Planifier les transports, un enjeu majeur pour les territoires et la démocratie
Préambule
Lors du débat public nous avions proposé une contribution (Territoires Transports et Démocratie) montrant en quoi une planification des transports était indispensable pour l’avenir des territoires, l’expression démocratique, et la responsabilité politique face à des choix d’avenir.
Nous n’avons pas eu de retour, et ne sommes même pas sûr que, contrairement à ce qui s’est produit lors de la rédaction des cahiers de doléances en 1789 ( avec des technologies plus rudimentaires), les textes aient été conservés. Peut-être dans les archives de quelque organisme sous traitant, chargé du travail de synthèse ?
Bref il nous est apparu intéressant de rediffuser le contenu de cette contribution à un moment où, 3 ans après, cette question de planification redevient enfin une priorité pour nos gouvernants.
Sur ce point nous sommes bien entendu très intéressés par tout débat sur la mise en œuvre concrète d’une telle planification, en redéfinissant un volet national qui est indispensable
- à une expression de planification régionale imposée par la loi : sans planification nationale l’application de ces textes apparait très difficile, voire impossible
- et a une participation active à la planification Européenne des RTE, arrêtée en 2013 et qui reste peu connue en France dans son contenu: il ne faudrait pas que l’Europe soit vue uniquement comme un organisme distribuant directement des subventions
Introduction
Les vastes changements geo-politiques, économiques et institutionnels sont perçus justement comme des facteurs d’incertitude et de risque. Décider est plus complexe, plus difficile.
Il faut désormais- plus que jamais - assumer ses responsabilités et imaginer des règles de prise de décision qui respectent un fonctionnement démocratique, pour des décisions engageant l’avenir.
La politique de transport est un excellent domaine d’application, pour lequel il existe une expérience passée, et qui est facilement perceptible pour tous, relativement éloigné de conflits politiques relatifs aux domaines respectifs de la sphère publique et privée (même si de tel conflits existent en transport, l’intervention publique y est reconnue légitime tant que les choix sont considérés comme démocratiques).
Le domaine des transports est donc plus facilement susceptible de conduire à un consensus sur des choix à long terme qui en retour impactent considérablement la vie en société.
C’est sans doute pour cela que le traité de Rome y fait une place à part, comme d’ailleurs pour l’agriculture. Et il faut regretter que son approche n’ait été trop longtemps et trop exclusivement tournée vers les mécanismes de marché alors qu’il s’agissait bien de la construction et de la protection d’un cadre de vie plus ouvert, plus responsable, et plus volontaire dans l’expression de choix d’avenir qui doivent s’exprimer à différents niveaux territoriaux, et en particulier au niveau national qui reste un maillon central du dispositif de gouvernance des transports, plus que la recherche d’une optimisation d’un retour sous forme de subventions.
L’économie bien souvent est présentée de manière abstraite, monétaire, macroéconomique. Et pourtant les territoires et leurs échanges, les flux qu’ils génèrent ou qu’ils supportent, qu’ils attirent ou qu’ils repoussent, ont une réalité matérielle forte. Les flux physiques – et leur pendant informationnel – définissent assez largement les territoires, leurs interdépendances, et bien entendu l’environnement de la vie sociale. Qu’il s’agisse de mobilité des personnes ou des biens, les grands flux physiques s’organisent autour de pôles, où on stocke, transforme, produit, valorise, consomme, détruit, recycle.
De manière générale, des flux et ces pôles et nœuds caractérisent les territoires.
Dans une Europe décentralisée, dans laquelle la France peine à inventer un nouveau modèle d’organisation, la compréhension de ce qui se joue physiquement dans les territoires, demande tout à la fois une observation renouvelée, une planification retrouvée, et l’organisation d’une conception de la décision publique, plus ouverte, plus concertée, et plus transparente.
Une observation renouvelée
L’observation régulière des mouvements économiques est une des tâches assignée parallèlement à l’INSEE pour établir les comptes nationaux, ainsi qu’à divers instituts nationaux de statistique, ayant une vocation plus spécifique, voire à des organismes attachés à un périmètre géographique plus limité, et que l’on dénomme le plus souvent « observatoires ». Cette observation est donc multiple, puisqu’elle porte à la fois sur des flux et des stocks monétaires (ou évalués en monnaie), des flux ou des stocks physiques. La finesse de l’observation dans le temps et dans l’espace sont nécessaires pour bien comprendre les enjeux territoriaux de la mobilité et des activités logistiques. Or bien souvent - alors même que les capacités de recueillir des informations en temps réel géo-localisées explosent littéralement, les systèmes statistiques peinent à s’adapter à cette exigence.
Les collectivités territoriales ne disposent d’ailleurs que très rarement des outils - soit qu’ils émanent des services statistiques d’État, soit qu’ils émanent de leurs services - qui leur permettent de disposer d’une connaissance localisée satisfaisante.
Plus encore, dans notre pays, la régionalisation des comptes nationaux - globaux comme sectoriels - handicape la réflexion économique et sociale territoriale, faute d’harmonisation, d’’analyses comparatives suffisantes.
C’est donc à un renouvellement profond du système d’observation statistique, ouvert largement, qu’il faut s’atteler dans le cadre de contrats entre les territoires et l’État, système d’observation qui associe plus étroitement des données de circulation et de flux physiques avec des données d’activité et d’environnement des territoires, tire un meilleur parti de nouvelles données sans pour autant laisser se distendre les relations entre systèmes locaux ou régionaux d’observation, voire entre les systèmes locaux, nationaux voire Européens : pour ce faire de nouvelles techniques existent, en recourant à un géocodages plus systématique de données physiques, avec un recours privilégiant l’algorithmique dans des bases de données devenues massives à la recherches de corrélations statistiques qui préjugent de modèles économiques sous-jacents aujourd’hui dépassés dans un monde plus ouvert et qui s’avèrent impuissants à traiter les défis actuels économiques, sociaux et environnementaux.
Une planification retrouvée
Dans une période d’accélération de l’évolution des sociétés liée à l’arrivée de nouvelles technologies qui impacte au plus profond la vie et le comportement des individus, face à la mondialisation de l’économie qui est devenue une réalité des échanges, mais aussi face aux fractures qui s’instaurent entre pays et au sein même des sociétés, ainsi qu’aux dangers de plus en plus prégnants que l’humanité fait courir à la planète, la société s’avère totalement impuissante pour réagir et faire face à ces défis.
Les explications sont sans doute nombreuses depuis l’attrait du court terme et de l’immédiateté qui caractérisent les relations sociales et l’exercice politique, jusqu’à la primauté et la confiance données aux mécanismes économiques et financiers de marché.
Mais les conséquences n’ont n’en sont pas moins, malgré une prise de conscience des risques sociaux et environnementaux, une incapacité totale de la société pour relever ces défis de long terme qui relèvent de sa responsabilité : d’où une méfiance des actions politiques qui montrent régulièrement combien elles sont trop éphémères et contingentes et la crise politique que l’on observe dans de nombreux pays, et envers les institutions Européennes qui n’ont pas su montrer plus de responsabilité face à ces défis du futur.
Entre le « global » et « local » , il faut reconstruire un cadre national d’évaluation :
Ceci résulte sur le plan économique et social de l’ouverture de l’économie et des échanges, et sur le plan institutionnel de la décentralisation en même temps que du développement de l’Union Européenne. L’évaluation du projet, qui reste un processus de décision « réglementé » à différents niveaux institutionnel, doit être maintenant réalisée à l’échelle de plusieurs périmètres emboîtés, et ceci pour les différents types d’acteurs, considérés comme partie prenante au processus de décision ; il s’agit
-du périmètre local ou régional domaine d’intervention privilégié d’acteurs locaux qui se voient déléguer de nouvelles responsabilités par la loi et dont ils sont directement redevables, politiquement, devant leurs électeurs lorsqu’il s’agit d’élus,
- du périmètre national qui est le niveau le plus ancien de cette évaluation, et le niveau pour lequel l’application de la réglementation est à priori plus « formelle » et donc plus directement sanctionnée par les tribunaux administratifs
- et du périmètre Européen, ce qui va plus directement concerner les marchandises du fait de l’internationalisation des échanges alors les marchandises restent encore trop souvent négligées et méconnues au niveaux local et national, privilégiant les déplacements de voyageurs.
Il faut d’ailleurs rappeler, à cet égard, que la plupart des grands projets internationaux, hormis pour l’aérien, se justifient le plus souvent par l’évolution du transport de marchandises alors qu’ils ont été initialement proposés pour faciliter le transport de voyageurs. Au niveau régional et local des agglomérations, la focalisation sur les mouvements de voyageurs a fait longtemps négliger une réflexion parallèle sur le transport de marchandises dont les circuits de distribution se transforment aujourd’hui radicalement du fait de grands distributeurs internationaux, impactant localement de manière significative les flux de marchandises et de voyageurs qui y sont associés.
Maîtriser dans la durée des processus de décision de long terme
La prise de décision pour un projet de long terme, et en particulier pour les grands projets d’infrastructure, ou de grands choix technologiques, se caractérise aussi, inévitablement, par une durée particulièrement longue du processus de décision lui-même, d’une durée souvent supérieure à 20 ans, en France comme dans la plupart des pays Européens, , voire de plus de 50 ans (comme cela est le cas du projet de voie d’eau Rhin Rhône, qui est toujours inscrit comme un maillon manquant du réseau noyau Européen mais dont la réalisation n’est pas prévue avant 30 ans) . L’introduction de débats publics et la complexification résultant de la multiplication de centres de décisions impliqués ou concernés joue inévitablement dans ce sens d’un rallongement du processus de décision. Le le risque est bien d’en faire des processus qui perdurent sans horizon bien défini, confortés par les structures qu’ils ont crées, avec des statuts, comme les groupements d’intérêts économiques nationaux ou Européens (GEIE), voire de manière plus informelle par l’action de groupes de pression, et qui finissent même par se justifier par les dépenses préliminaires occasionnées, sans avoir pu être remis en cause, alors que le contexte d’origine est radicalement différent.
La question qui se pose alors est de savoir s’il est possible d’arrêter le processus de décision d’un grand projet, ou du moins d’en revoir régulièrement la bonne adéquation des objectifs initiaux aux évolutions de la demande et de celle des coûts, ne serait-ce que pour adapter le projet à un contexte qui change de plus en plus rapidement.
Il faut alors être conscient que cette question est d’autant plus difficile que le processus de décision est marqué par un certain nombre d’étapes qui doivent être franchies successivement, et que les parties prenantes auront tendance à figer, pour ne pas repartir au point de départ, et ceci y compris pour les données d’expertises qui en ont justifié l’intérêt. De ce point de vue l’instauration des débats publics « amont », parfaitement justifiés pour la légitimité d’un processus démocratique qui engage l’avenir, et qui requièrent une première évaluation des besoins ne facilite pas les choses.
Les décideurs se trouvent alors face au dilemme suivant :
• soit ne pas remettre en question les conditions initiales d’évaluation au risque de se trouver en contradiction avec l’évolution du contexte de la prise de décision : il faut dire que la tendance est le plus souvent de ne pas remettre en question les conditions d’évaluation et ou plutôt d’en réduire les adaptations au point de ne pas remettre en cause l’équilibre général, sans pour autant s’ouvrir véritablement aux nouvelles options alternatives, telles que l’on aurait pu les étudier dans une phase initiale.
• soit remettre en cause le projet ce qui suppose dans le meilleur des cas pour le projet, une reprise de toute une procédure que l’on sait particulièrement longue, et ceci avec d’autant moins de chance d’aboutir que les évolutions du contexte ne joue pas en faveur du projet : il va alors sans dire que tous ceux qui ont œuvré durant si longtemps pour la réalisation du projet, et qui ont parfois réussi à le « sanctuariser » dans des accords nationaux ou internationaux , vont tout faire pour s’y opposer.
Mais il ne faut pas oublier que cette difficulté à remettre en cause un projet au vu d’une évolution du contexte d’évaluation peut néanmoins conduire à accroître les risques d’annulations d’une étape du processus de décision lui-même, comme cela est de plus en plus fréquent, sans pour autant annuler l’ensemble de la démarche et générant des des conflits de plus en plus virulents entre les défenseurs et opposants du projet, tous ayant le sentiment de tenir une position légitime.
Il faut donc en conclure que la possibilité de remise en cause doit alors être introduite dans la reconstruction d’un cadre de planification et ceci d’autant plus que l’irruption de nouvelles technologie de transport changent de plus en plus vite le contexte d’évaluation de grands projets.
Les enseignements du secteur des transports
Sur ce sujet de la responsabilité collective, face aux grands défis d’avenir et qui est quand même un volet fondamental du devenir de toute société démocratique, le secteur des transports est à la fois :
• un bon exemple, parce qu’il concerne des investissements publics de long terme voire de très long terme, avec des horizons plus courts de 7 à 10 ans pour les matériels, mais des horizons de 50 à 100 ans voire plus pour les infrastructures, qui sont ceux des défis climatiques, sans parler de l’importance de ses impacts sur l’aménagement des territoires, les modes de vie , la consommation d’énergie. et la pollution locale.
• mais aussi un domaine révélateur de l’aptitude d’une société démocratique à s’organiser pour faire face à ces défis d’avenir avec la nécessité :
o de formaliser de procédures de décision,
o de définir des méthodes d’évaluation, méthodes qui sont reprises dans des directives réglementaires qui s’imposent juridiquement,
o d’organiser la consultation du public, avec la procédure de DUP (Déclaration d’Utilité Publique) pour l’expropriation, mais aussi la consultation préalable du public ( Débat Public organisé par la CNDP, Commission Nationale de Débat Public)
Ceci fait que ce secteur est un des premiers secteurs ou se sont appliqués la RCB (Rationalisation des Choix Budgétaires), la programmation budgétaire multi annuelle, la préparation annuelle de budgets de programme, le transport étant aujourd’hui un des premiers secteurs d’implication de la CNDP, pour les débats publics. Au cours des dernières années ce secteur a d’ailleurs fait l’objet de grands débats publics organisés justement pour faire face à des défis de long terme, que sont ceux de l’environnement et de la mobilité, avec :
• le Grenelle de l’environnement, et ceci en étroite relation avec le débat sur le secteur l’énergie qui lui est étroitement lié ;
• la tenue des Assises de la Mobilité en 2017 et 2018 qui à a donné lieu à l’organisation d’un grand nombre de réunions de consultation dans les grandes agglomérations et de plus petites communes des territoires, et dont la fracture sociale et l’accessibilité était un des principaux thèmes (avec aussi la question de la fracture des banlieues) et ceci en parallèle avec la tenue de réunions spécialisés relatives aux bouleversements attendus du fait des apports de nouvelles technologies.
Savoir prévoir
Savoir prévoir l’avenir ressemble à un pari fou. Or la décision publique est par construction un moyen dédié à une modification de l’avenir, même si c’est pour tenter de limiter l’effet des ruptures possibles.
Il n’est pas en fait de décision possible sans une représentation du présent et de l’avenir. Et tout le problème est de rendre le plus rigoureux possible un exercice toujours contestable mais indispensable.
Dans le jargon des spécialistes on distingue les travaux de prospective, de ceux de prévision, mais aussi de ce qu’on appelle la simulation.
La prévision – par exemple du parc automobile – consiste à anticiper ce que sera l’avenir, c’est à dire à un horizon donné. Il faut donc avoir une estimation correcte du présent, et considérer l’avenir sous diverses hypothèses. Prévoir ne préjuge aucunement de la méthode.
La prospective sous-entend un regard porté au loin. Ainsi autant la prévision se veut précise et porte sur un horizon assez rapproché, autant la prospective suppose une approche plus qualitative et lointaine.
La simulation s’intéresse plus globalement à l’évolution globale d’un système complexe dont on cherche à reproduire le fonctionnement dans le temps. Elle peut être utilisée pour prévoir ou réaliser une approche prospective sous diverses hypothèses. Elle peut être dynamique lorsque existent des interrelations et des boucles de rétroactions entre éléments d’un système.
Il serait alors paradoxal de ne pas prendre en compte dans ce grand débat National des enseignements tirés du transport, puisque cette problématique de long terme, et de débat public y est présente depuis longtemps, comme l’ont encore rappelé récemment les assises de la mobilité pour le transport du quotidien.
En ce qui concerne les échecs, force est de remarquer qu’ils sont de plus en plus fréquents pour l’évaluation et la réalisation de de grands projets de long terme, et en particulier d’infrastructure.
Ainsi en France les annulations en Conseil d’État, voire des avis négatifs de DUP se multiplient, comme cela a été le cas pour les grands projets du Sud-Ouest. Une des principales raisons est bien que les évaluations initiales qui ont fondé les conclusions des débats publics sont dépassées et que l’on n’a pas voulu les remettre en cause.. Dans le cas de projets internationaux, la remise en cause est d’autant plus difficile que les accords, voire les traités internationaux figent une situation, parfois durant des décennies, les signataires nous voulant pas prendre la responsabilité d’une rupture au vu des évolutions.
En ce qui concerne l’expérience des grands débats récents, il faut rappeler les conclusions du rapport du comité 21 qui a suivi le vote à l’unanimité de deux Lois du Grenelle par le Parlement national, lois dont les conséquences financières ne pouvaient être supportées. Le rapport du Comité 21 critiquait en particulier le choix du tout TGV qu’il était impossible de mettre en œuvre faute de financements et déplorait, en règle générale l’insuffisance d’analyse des besoins qui fonde toute évaluation socio-économique et financière, pour les voyageurs comme pour les marchandises ; le comité 21 a été en effet contraint,, après 2 ans de débats sur le Grenelle de l’environnement, de recourir, dans l’urgence, à des analyses rapides, plus qualitatives, ainsi qu’à des avis d’experts pour établir une première hiérarchie de financement de projets. Et dans cette revue, les grands projets dits internationaux (dont Seine Nord Europe ou Lyon-Turin), n’avaient pu être intégrés, comme étant hors du champ de compétence du groupe de travail. Il faut espérer que ces lacunes reconnues par le comité 21 en ce qui concerne l’évaluation pourront être comblés dans l’application de la LOM, suite la mise en place du COI (Comité d’Orientation des Infrastructures) en 2017, qui a revendiqué cette référence à l’expérience du comité 21.
Dans l’expérience récente il y a enfin celle des Assisses de la mobilité de 2017/2018 qui fut certainement un succès sur le plan de la participation, du nombre de débats organisés, de la revue de nouvelles technologies disponibles pour le transport, y compris la mutualisation de nouveaux services, mais qui se concentrait sur la mobilité du quotidien pour les voyageurs (et les marchandises en ville), donc sur des domaines qui vont relever essentiellement de la responsabilité d’autorités locales ; la question de grands choix d’avenir au niveau national, de l’équilibre des financement, celle des modes de suivi et d’évaluation qui les sous-tendent restent donc encore à préciser et devaient être traités dans le cadre de la LOM.
Or cela est bien sur ces derniers points que les principales difficultés apparaissent ;les premières versions de la LOM de l’Automne 2018 ont dues être revues car elles se heurtent aux problèmes de taxation du diesel et des carburants, l’instauration d’une Ecotaxe, et la mise en œuvre de péages urbains, points importants pour l’équilibre financier et qui sont loin de faire l’ unanimité et sont plus perçus comme augmentant la fracture territoriale et sociale, sans convaincre sur leur contribution au changement climatique.
En ce qui concerne le transport de marchandises, transport régional, national, et international, le texte initial de la LOM comporte peu de développement, et peu d’éléments chiffrés sur les besoins et l’évolution de la mobilité en général, pour les voyageurs comme pour les marchandises. L’articulation du système national de transport avec les Réseaux de Transports Européens, y est très peu développé, alors que la France avec l’Allemagne sont les deux grands pays de transit, que les financements de RTE constituent à l’échelle de l’Europe une part importante du plan de relance, et ceci à la veille d’élections Européennes.
De tous ces débats et de ces expériences il faut bien maintenant en déduire un certain nombre de propositions concrètes permettant de reconstruire pour le transport des processus de décisions de long terme, et de préciser une « vision » nationale du transport, encadrant des stratégies locales d’aménagement, et constituant force de proposition au niveau Européen. « Savoir sortir d’un débat » est aujourd’hui une question capitale.
Adapter les processus pour les décisions à long terme
Pour les investissements en infrastructure, et en particulier pour ceux qui dépassent un certain montant il existe bien toute une procédure qui s’applique à l’ensemble du territoire et qui a évolué :
• pour faire une plus large part à la concertation avec l’introduction en amont de « débats public », permettant une certaine ouverture des choix possibles ;
• pour une meilleure prise en compte de contraintes environnementales, avec l’approfondissement des études d’impact,
• avec plus récemment la prise en compte de changements climatiques, qui a donné lieu à un « plan national d’adaptation au changement climatique » (PNACC) au niveau national, et auxquels se sont attachés les services techniques de l’État pour en permettre une pratique au niveau de collectivités locales qui s’en trouve investies de par les nouvelles loi de décentralisation, dans leurs décision d’aménagement.
Ainsi donc sur le plan de l’ingénierie d’État ou de l’ingénierie publique on constate bien le maintien en France d’une capacité d’expertise qui a su s’adapter et maintenir sa réputation, mais sans que cela se produise véritablement sur le plan de l’adaptation de l’expertise socio-économique, comme cela avait pu être le cas dans les efforts qui avaient été faits dans le cadre de la mise en place de la LOTI. Or il s’agit bien là de points essentiels de garantie scientifique et démocratique d’une prise de décision qui engage l’avenir.
De ce point de vue il est d’ailleurs intéressant de noter que le mot de « planification » n’a été utilisé récemment que pour le changement climatique, ainsi que pour l’aménagement territorial de collectivités locales, mais qu’il ne l’est plus pour les infrastructures et l’aménagement au niveau national, alors même qu’il est revenu dans le vocabulaire Européen avec la « planification » de corridors prioritaires Européens2 qui traversent la France, après avoir été soigneusement évité après la chute du mur de Berlin. Il faut espérer que cette absence ne dissimule pas un manque de détermination pour une planification nationale du transport.
Ceci étant il faut aussi rappeler que la problématique de la prise de décision pour des projets de long terme a profondément évolué et ceci dans plusieurs directions, qui obligent à reconstruire un cadre national d’évaluation, à s’assurer d’une l’adéquation permanente entre objectifs et besoins, tout au long de la procédure, et enfin à introduire plus explicitement de nouvelles problématiques de choix technologique.
Conjuguer différents périmètres d’évaluation d’un projet
Ceci résulte sur le plan économique et social de l’ouverture de l’économie et des échanges, et sur le plan institutionnel de la décentralisation en même temps que de l’intégration au sein de l’Union Européenne qui font que l’évaluation du projet est réalisée à l’échelle de plusieurs périmètres emboîtés ; il s’agit :
• du périmètre local ou régional domaine d’intervention privilégié d’acteurs locaux qui se voient déléguer de nouvelles responsabilités dont ils sont directement redevables devant leurs électeurs lorsqu’il s’agit d’élus,
• du périmètre national qui est le niveau traditionnel de cette évaluation, niveau pour lequel l’application de la réglementation est à priori plus « formelle » et donc sanctionnée ce qui n’est pas sans incidence sur une certaine frilosité dans un contexte marqué par les changements, voire sur une transparence de la prise de décision, dont il sera question plus loin
• et du périmètre Européen, ce qui va très directement concerner les marchandises du fait de l’internationalisation des échanges alors qu’elles restent encore trop souvent négligées et méconnues au niveaux local et national, privilégiant les déplacements de voyageurs.
Il faut d’ailleurs rappeler, à cet égard, que la plupart des grands projets internationaux, hormis pour l’aérien, se justifient le plus souvent par l’évolution du transport de marchandises alors qu’ils étaient initialement proposés pour faciliter le transport de voyageurs. Au niveau régional et local des agglomérations, la focalisation sur les mouvements de voyageurs a fait longtemps négliger une réflexion parallèle sur le transport de marchandises dont les circuits de distribution se transforment aujourd’hui radicalement du fait de grands distributeurs internationaux, impactant localement de manière significative les flux de marchandises et de voyageurs qui y sont associés.
Garantir dans la durée l’adéquation des objectifs et des besoins
La prise de décision pour un projet de long terme se caractérise le plus souvent par une durée particulièrement longue du processus de décision lui-même. Cette durée est souvent supérieure à 20 ans, en France comme dans la plupart des pays Européens, , voire de plus de 50 ans (comme cela est le cas du projet de voie d’eau Rhin Rhône, qui reste un maillon manquant d’un corridor prioritaire Européen mais la réalisation n’est pas prévue avant 30 ans) .
L’introduction de débats publics et la complexification introduite du fait de la multiplication de centres de décisions concernés joue alors inévitablement dans ce sens de l’allongement du processus de décision, avec le risque d’en faire un processus permanent qui s’impose de par sa durée, de par les structures qu’il a créé, ou les dépenses préliminaires qu’il a occasionné, sans pouvoir être remis en cause, alors que le contexte d’origine est radicalement différent, et que la question des besoins n’est plus posée. Le processus de décision devient alors une sorte de « continuum » relancé régulièrement à différents niveaux institutionnels, trouvant des groupes de pressions qui y trouveront toujours de la notoriété puisqu’il est devenu incontournable.
Cet allongement du processus de décision, contraste alors avec la rapidité des changements qui s’opèrent, sur le plan des besoins dont on a perdu la marque, ainsi que sur le plan de l’application de nouvelles techniques qui rendent le projet obsolète avant de le réaliser.
Réintroduire les nouvelles problématiques de choix technologiques.
Il est paradoxal, au moment où l’on ne parle que de révolution numérique et technologique, que les évaluations publiques et les grands projets intègrent si peu ou si mal les problématiques relevant de choix technologiques. Plus encore, bien souvent, les scénarios d’évolution pèchent par l’indigence de la prise en compte des grandes tendances relatives à l’innovation technique, y compris en ce qui concerne les matériels de transport et les interfaces avec les infrastructures. Tout ceci aboutit largement à ne pas mettre en lumière l’existence de choix technologiques stratégiques, ne serait-ce que lorsqu’ils nécessitent des grands programmes nationaux ou européens, ou supposent d’être pris en compte dans les projets d’infrastructures.
Cette exigence était déjà présente dans la LOTI qui intégrait la réalisation de projets technologiques, avec aujourd’hui la difficulté supplémentaire que les grands projets d’infrastructure eux-mêmes ne peuvent plus être conçus sans intégrer cette nouvelle dimension, sans associer les réalisation d’infrastructures avec leur mode d’exploitation, et la production de services qui leur sont associés, relançant alors le débat sur les besoins et les performances (économiques, environnementales, sociales) qui sont trop souvent oubliés ou négligés, si ce n’est pour donner lieu à des positions d’autant plus virulentes qu’elles ne sont pas justifiées.
Cette relation entre l’infrastructure et son mode d’utilisation est reconnue aujourd’hui, aussi bien au niveau national qu’européen, pour la planification des RTE, mais rien n’est véritablement fait pour en tirer les conséquences dans l’évaluation du projet, dans la mise en œuvre de nouveaux outils de simulations, ni même dans la formulation de scénarios possibles de solutions alternatifs, entre lesquels il faudra choisir. Au niveau national on commence seulement à remettre en cause l’indicateur de performance que constitue le report modal alors que depuis longtemps la question de la complémentarité des modes était posée.
Quoiqu’il en soi aussi bien au niveau national et européen on est encore loin de vouloir confronter sur des projets concrets :
• des nouvelles solutions d’exploitation routières de type « platooning », de l’utilisation de véhicules automatiques : ces solutions ont des conséquences fondamentales tant sur le plan de la compétitivité des services que sur les capacités d’infrastructures.
• le recours à de nouvelles sources d’énergie pour la route (utilisation de GNL, mise en œuvre de différentes techniques de motorisation électrique, y compris électrification d’autoroutes) au regard d’ailleurs de nouvelles solutions ferroviaires (électrification certes, mais aussi possibilité des motrices à hydrogène permettant d’éviter l’électrification des lignes, et facilitant les manœuvres terminales).
Mais on est encore loin d’intégrer de telles considérations dans l’évaluation des projets de long terme dont on recherche les financements, alors que beaucoup de ces nouvelles solutions seront opérationnelles avant 2030 ou 2040, donc avant la réalisation de beaucoup de grands projets d’infrastructure actuellement discutés.
A plus courte échéance on peut aussi souligner que les rapports dits « Duron » et « Spinetta » mettent en avant le déploiement de l’ERTMS comme une voie essentielle pour résoudre des problèmes de capacité et performance ferroviaire, déploiement prioritaire pour la planification des corridors Européens à l’horizon 2030, mais dont on ne dispose pas véritablement d’évaluation.
Sur un autre registre on apprend récemment que des wagons d’autoroutes roulantes à essieux variables pouvaient être autorisés en France : voilà une solution susceptible, si elle s’avère performante, de changer profondément toute la problématique d’autoroute roulante en France liée au transit espagnol, qui doit représenter 2/3 du transit sur le sol Français : avec une telle technologie les terminaux ferroviaires en Espagne deviennent enfin accessibles sans rupture de charge, ce qui restait rarement le cas avec la mise à écartement UIC du réseau principal Espagnol, ou Portugais.
Refonder la légitimité des décisions
Refonder des mécanismes de décision de long terme et de planification suppose aussi de revenir sur ce qui fonde leur légitimité, l ‘évaluation socio-économique (évaluation au regard d’objectifs socio-économiques) d’une part, et le respect d’une procédure démocratique pour valider les choix d’autre part .
La légitimité « socio-économique » et l’adaptation de méthodes d’évaluation pour une meilleure connaissance des besoins et des coûts
La légitimité « économique ou socio-économique » est celle de l’évaluation socio-économique qui consiste à faire un bilan actualisés des coûts et avantages de la décision ; pour ce faire il existe des directives ministérielles, qui font la part des effets monétaires et « monétarisables », définissant le cas échéant des valeurs tutélaires, certains critères relevant manifestement d’appréciation plus qualitatives.
Ceci étant la monétarisation conduit à établir des équivalences qui peuvent être choquantes (par exemple entre du temps gagné ou des morts évités), inégalitaires (les dispositions à payer dépendent du niveau de vie), voire problématique (prise en compte de l’irréversibilité).
Mais il faut aussi souligner que l’application de ces méthodes d’évaluation rencontrent aujourd’hui des limites, liées en particulier :
• à l’absence d’études prospectives suffisamment approfondies concernant des scénarios d’évolution de l’activité économique, et des besoins de mobilité et ceci notamment pour les marchandises dans des économies ouvertes et sujettes à de profonds changements dans les circuits de distribution : les projections de trafics sont le plus souvent très globales, et ne sont pas encore disponibles pour les corridors prioritaires Européens dont la planification est engagée depuis près de 5 ans.
• à la faiblesse de l’analyse des coûts et de leur évolution, et ceci notamment lorsqu’il faut mettre en concurrence des modes ou différentes techniques ou technologies d’exploitation : la majorité des études « ex-post », conduites au niveau national ou Européen confirme ce point faible de l’évaluation et l‘importance de ses incidences dans un contexte de compétition accrue, et ceci aussi bien pour les coûts d’infrastructure que pour les coûts d’exploitation ;
• à l’insuffisance de prise en compte d’un contexte local comme cela est par exemple le cas lorsque des taux moyens nationaux ou Européens d’émission sont appliqués pour l’analyse de l’impact environnemental.
Cette faiblesse des méthodes utilisées, peut se traduire alors par des incohérences notoires entre les évaluations d’un même projet, et ceci notamment lorsqu’elles sont réalisées dans des contextes différents :
• entre évaluations réalisées à un niveau national, européen, voire régional (ne serait-ce qu’en raison de la difficulté de contextualiser un projet avec des valeurs tutélaires trop globale, des évaluations de moyennes nationales pour les émissions) ;
• entre projections réalisées à différentes étapes du processus de décision, incohérences qui vont alimenter la contestation et des recours en nullité, au fur et à mesure que la prise de décision devient une opération de plus en plus citoyenne.
La légitimité démocratique d’une décision qui engage l’avenir : rétablir des instances nationales de concertation et une démarche de planification.
Ce dernier point est essentiel, exprimant une prise de responsabilité collective pour agir sur l’avenir dans un monde qui restera toujours incertain.
Cette légitimité démocratique s’exprime à différent niveaux, national, local, et européen voire même au niveau de la garantie des droits d’une communauté spécifique comme cela est le cas avec la procédures de DUP. Il est alors paradoxal de constater que au cours des années 90 :
• que cette légitimité démocratique a été renforcée avec la mise en place de débats publics préalables pour des projets de long terme, débats pouvant influencer la nature même du projet ;
• que cette légitimité démocratique a été renforcée au niveau des textes Européens avec l’intervention du Parlement Européen pour l’élaboration des nouvelles directives pour le développement des RTE et la planification de corridors prioritaires qui est en cours depuis 2014 pour un horizon 2030
• alors qu’à la même période le processus de planification nationale disparaissait, faisant disparaître dans le même temps tout cadre national de référence et laissant à un niveau plus local tout un travail inévitable de vision prospective pour la réalisation d’un projet spécifique.
Or il est bien clair que dans toute prise de décision de long terme qui engage de fait l’ensemble d’une communauté, la « démocratie directe » ne peut suffire, comme ne peut le faire d’ailleurs l’expression d’une citoyenneté Européenne, par l’intermédiaire d’une représentation au Parlement Européen qui reste reste encore beaucoup trop « éloignée » et méconnue ; il faut absolument reconstituer un relai au niveau national, seul apte à assurer une cohérence et une légitimité démocratique à tout un ensemble de projets de long terme concernant le territoire national. Ce cadre national de planification sera d’autant plus nécessaire qu’il faut maintenant assurer une articulation avec une planification Européenne, ne serait-ce qu’en raison du rôle de transit de la France, de ses ambitions de façade maritime européenne.
Il est en effet bien clair que l’’affaiblissement du niveau de responsabilité nationale ne peut qu’accroître les contradictions de prises de décision de long terme pour les projets, les fragiliser, se priver d’une intervention plus efficace et durable au niveau d’organismes internationaux, et de ne pas construire un cadre national cohérent pour les collectivités locales confrontées, elles aussi à des choix d’avenir, avec des moyens d’expertises souvent plus limités . Il serait faux de croire qu’un tel affaiblissement de la planification nationale était nécessaire pour faciliter une décentralisation en France des responsabilités du transport.
De ce point de vue on peut alors se référer à des exemples étrangers comme l’Allemagne où des plans multi annuel d’infrastructures existent depuis longtemps, et sont maintenus, redéfinissant régulièrement une cadre d’évolution des besoins de mobilité entre territoires et au sein des territoires, pour en déduire des projets hiérarchisés et d’enveloppes de financement. En Suisse de tels projets s’inscrivent dans un temps long, avec des résolutions qui s’ajoutent régulièrement aux textes constitutionnels. En Belgique et aux Pays Bas ces démarches existent, pour des pays néanmoins très ouverts sur l’international. En Italie et Espagne les plans nationaux sont maintenus et sont bien dans le cas de l’Espagne (et du Portugal) une nécessité pour cadrer l’octroi de subventions Européennes conséquentes, même si l’évaluation socio-économique n’est pas une pratique aussi développée qu’en France.
La mise en œuvre d’une telle démarche suppose donc dans un premier temps le rétablissement d’instances de réflexions nationales, comme cela a été le cas avec :
• des commissions du plan pour la cohérence intersectorielle, et la discussion interprofessionnelle,
• avec le Conseil National du Transport (par delà la multiplication de conseils supérieurs à vocation plus réglementaires) pour la concertation interprofessionnelle du transport.
Ce travail de planification suppose alors dans un deuxième temps l’implication des assemblées parlementaires nationales, pour que les dispositions et les financements soient sanctionnés et garantis par une loi : l’implication du Parlement est d’ailleurs aussi une garantie d’une évaluation pluraliste sur le plan du fonctionnement d’une démocratie comme l’est, au niveau de l’évaluation socio-économiques la réalisation d’expertises contradictoires.
UNE EVALUATION PLURALISTE ET UNE CLARIFICATION DES ROLES, PREALABLES DU CONSENTEMENT AU FINANCEMENT.
L’évaluation pluraliste, voire l’évaluation contradictoire est un autre volet du processus de décision qui en renforce la légitimité démocratique et qui le plus souvent sera nécessaire pour emporter une adhésion des plus difficile à obtenir et qui est celle de l’arbitrage financier auquel elle est associée et celle de la légitimité de choix publics qu’elle va renforcer. Par-delà la garantie d’un bon fonctionnement démocratique l’enjeu de l’évaluation pluraliste s’applique aussi bien à un niveau technique dans l’évaluation d’un projet, qu’au un niveau du fonctionnement des institutions avec la mise en place de contre-pouvoirs. Les exemples récents montrent combien la contestation des décisions est particulièrement liée à un refus de mise à contribution par l’impôt ou par une taxation, contestation qui sera d’autant plus difficile que la décision publique n’aura pas été soumise suffisamment tôt à une véritable évaluation pluraliste de la décision publique.
Les citoyens sont alors souvent frappés par quelques grandes contradictions qui altèrent la disposition à payer l’impôt et mettent en cause la légitimité des collectivités publiques qui les y soumettent.
Contradictions
Beaucoup constatent cette évidence : plus on leur explique que la dépense publique pèse de plus en plus lourd et génère des déficits et créent de la dette, plus ils constatent la réduction de certains services de proximité, et plus on fait évoluer le système fiscal vers une part croissante des taxations sensées orienter leur consommation et « facturer » l’usage des biens ou services collectifs.
D’autre part, ils assistent à une forme décentralisation qui complexifie l’organisation institutionnelle et politique, en accumulant les strates et rendant plus opaques les processus de décision des financements.
Et une conséquence est bien que dans l’ensemble, la métropolisation, la fusion de plusieurs régions, la gestion des finances locales, la multiplication des organisations spatiales et des outils et agences, et leur volonté imposée de rationalisation, est loin d’avoir clarifié la manière dont s’opèrent les choix de la décision publique, la responsabilisé les élus, et donc d’améliorer le sentiment démocratique des citoyens qui conditionne le consentement au financement. On parle même de renaissance du jacobinisme qui ne facilite pas l’adhésion à la contribution finançière.
Décentralisation en trompe l’œil
Dans le même temps, force est de constater que les politiques territoriales, aujourd’hui plus largement décentralisées, se heurtent régulièrement au double problème de l’absence de marge de manœuvre fiscale, et à l’extraordinaire dilution de fait des responsabilités.
Des pans entiers des politiques locales ne peuvent prendre sens sans l’insertion dans des politiques plus globales, et celles des autres collectivités, mais celles-ci peinent à se construire sans un minimum d’autonomie fiscale et sans maîtrise plus large de programmes menés sur les territoires. D’où le sentiment d’un trompe-l’œil. En revanche, l’État abuse, pour financer les grands projets qu’il décide seul – et sans approche pluraliste et contradictoire -, du recours aux financements locaux. Ainsi la programmation des infrastructures de transports ressemble désormais largement à une liste (trop large) de projets souhaités par l’État, offerts aux mieux-disantes des collectivités territoriales.
Fragilités
Enfin, l’histoire récente des financements publics devrait nous alerter.
Trop souvent, la fragilité des structures de financement est forte, et elle est singulièrement renforcée par des présentations trop avantageuses des projets, au point de favoriser une explosion non-maîtrisée des dettes publiques, voire à des faillites.
Au surplus, une institution comme l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF), dont le seul intérêt réel est de dépasser les contraintes de l’annualité budgétaire, apparaît régulièrement comme inutile (rapport de la Cour des Comptes), et aux ressources mal assurées voire imprévisibles. Une telle organisation, combinée à un système discutable de valorisation (évaluation) des actifs infrastructurels et à une tarification de l’usage hétérogène, opaque et également discutable (et discutée), est bien loin de favoriser un pilotage européen, national et territorial des politiques de transport. De même, les politiques fiscales propres au secteur, de même que celles relatives aux conditions sociales, créent des disparités de compréhension et de concurrence entre territoires qui peuvent être préjudiciables, et délégitiment finalement les décisions publiques et leurs acteurs.
Il est frappant de noter que les discours politiques relatifs au secteur mêlent souvent des orientations généreuses, avec des constats erronés, ou des annonces politiques sans effet réel. On peut, bien entendu, mettre en cause les élus eux-mêmes et leurs conseils. Pour autant, la complexité extraordinaire du système, doublé d’une réelle inadéquation institutionnelle et financière (ressources et dépenses publiques), vient favoriser la vanité de nos politiques publiques.
L’ensemble de ces facteurs altère la légitimité des politiques, et donc le consentement à payer, et trouble particulièrement le rapport aux élus.
Plus d’autonomie pour faciliter la clarification des rôles, permettre l’évaluation pluraliste, et clarifier les mécanismes de financement
L’autonomie des grandes collectivités territoriales, qui n’exclut nullement l’organisation de la solidarité nationale et européenne, la promotion des coopérations régionales, mais aussi la diminution de l’extraordinaire complexité des co- ou multi-financements, sont des conditions nécessaires à la mise en œuvre d’une décentralisation réelle. Il ne sert à rien d’affirmer l’existence de compétences sans possibilité de faire des choix et de les mettre en œuvre. Cette grandes clarification des autonomies nécessaires et des compétences, peut prendre des formes variables selon les collectivités, dont, à l’évidence, la forme, le nombre et la dimension actuelle ne sont pas partout adéquates.
L’autonomie implique une fiscalité adaptée, et permet d’examiner au plus près la bonne adéquation des recettes publiques. Elle permet aussi de mieux apprécier les grands choix territoriaux ou locaux, et la gestion des priorités. Or, la gestion des réseaux occupe une place majeure dans les dépenses des collectivités territoriales, qu’il s’agisse d’infrastructures de transport, mais aussi de communication numérique, d’enseignement, de sécurité civile, de formation, de santé etc.. C’est à ce niveau que les services de proximité s’articulent, et façonnent la vie collective et personnelle, permettent ou non une organisation durable des flux de marchandises, et leur insertion dans les milieux denses ou fragiles. Quel sens peuvent prendre des plans, des schémas – et notre droit en prévoit des quantités – relevant d’ailleurs aujourd’hui des collectivités comme de l’État, sans possibilité pour nos élus d’en prévoir la mise en œuvre et le financement ? De la protection du littoral à l’aménagement du territoire, de la sécurité civile à l’éducation, la décentralisation doit faire enfin émerger une maîtrise des choix, et donc pouvoir reposer sur une fiscalité plus décentralisée.
Impôt, taxe ou tarif : un débat majeur à réactiver
La prééminence de l’approche néo-classique de l’impôt et de l’écologie conduit progressivement les gouvernants à vouloir substituer aux impôts et taxes, des taxations d’usage ou de consommation censées refléter une sorte de « coût social » et non plus s’asseoir sur la seule consommation ou la capacité contributive. La taxe est alors un moyen – ou signal-prix – censé orienter positivement les comportements. La taxation du gazole ou des poids lourds répond ainsi à une volonté de tarification de ce type. Leur généralisation fait changer de nature l’impôt. Au lieu de permettre de répartir le coût de biens collectifs ou de services gratuits, entre contribuables, les taxes deviennent un prix. Du coup, leur perception n’est plus la même aux yeux des citoyens, et devient plus socialement inégalitaire. La place de l’impôt et du prix est au cœur de la réflexion non seulement sur les politiques de transport, mais aussi sur leur financement. Et nous revenons à l’AFITF. S’agit-il de recueillir et de répartir des taxes/prix ? Selon quel critère ou logique la tarification d’un usage peut-il ou non profiter à un autre ? On le voit, aujourd’hui ces décisions – majeures pour l’acceptation de l’impôt – ne peuvent échapper au débat et au vote des représentants de la nation. De même, la déclinaison locale de ces principes – perceptible dans les discussions de certaines collectivités autour de la notion de péage ou de taxe spécifique – ne peut que découler d’un débat de fond.
Un éclairage des choix peu divers menant à des décisions opaques
Le principe même de la démocratie est de faire décider le peuple ou ses représentants élus, dès lors que l’intérêt commun, ou intérêt public est en jeu. C’est d’ailleurs ainsi lorsque, financement public ou non, les décisions ont un impact important sur la collectivité. Or, l’organisation des transports et surtout les infrastructures – dont la durée de vie est très longue, et l’entretien récurrent – sont d’intérêt public dans la quasi-totalité des cas. Il s’agit bien en effet de gérer, organiser, réguler, réglementer les flux, et pourvoir à l’équipement du territoire en le dotant d’infrastructures publiques ou d’ailleurs privées, mais d’intérêt public ou aux conséquences collectives.
Pour cela il convient que ce que la décision soit éclairée. C’est peu ou mal le cas actuellement.
Les procédures actuelles – lorsqu’elles sont respectées – assurent mal cet éclairage, mais surtout le limitent dans le meilleur des cas à l’analyse du promoteur du projet et à une contre-expertise éventuelle. Au surplus les études ne sont que très rarement entièrement accessibles aux citoyens, les données et les hypothèses peu discutées.
Le risque de perte de légitimité des choix publics
Le plus souvent les grands projets d’infrastructures ne s’insèrent pas dans une réelle approche globale visant explicitement à réaliser une stratégie, mais sont présentés comme des évidences.
Enfin l’analyse contradictoire n’a pas sa place. Les exemples existent où les choix effectués apparaissent comme cautionnant l’analyse économique et sociale du promoteur, et semblent comme sourds aux expertises – émanant y compris d’organismes d’État – contestant radicalement l’utilité collective des projets considérés.
Cette absence de ce qui peut apparaître comme un véritable éclairage des choix, c’est à dire reposant sur la confrontation d’analyses éventuellement contradictoires alimente la défiance et fragilise la légitimité des choix publics.
Or, ceux-ci sont le plus souvent le fait du pouvoir exécutif, très rarement du pouvoir législatif, dans des conditions qui, à l’absence d’éclairage pluraliste ajoutent un manque criant de débat et de transparence. Le propre d’un choix démocratique est de pouvoir tirer sa légitimité d’une approche contradictoire qui peut être appréciée de tous, et donc comprise.
Favoriser une évaluation pluraliste, contradictoire et ouverte
L’éclairage des choix doit désormais découler d’une part d’une inscription des projets dans un cadre qui légitime le projet. Tout projet n’a en effet de sens que s’il s’insère dans une politique de transport. Il lui faut justifier qu’il constitue un élément de programme, une réponse crédible aux objectifs fixés. Ainsi, le premier critère doit être de s’interroger – de manière contradictoire – sur la cette capacité du projet. Le critère ici est bien entendu celui de l’efficacité.
Cette approche devrait, en amont, découler d’un travail de planification – on ne peut penser le système de transport qu’en se projetant dans l’avenir de manière cohérente et planifiée – s’appuyant sur ce qu’étaient jadis les commissions, comités ou groupes de politique du Plan, c’est à dire associant experts et représentants des parties prenantes. Ce travail a naturellement un débouche législatif.
L’évaluation particulière des projets – et singulièrement des grands – nécessite alors, classiquement, une étude économique, sociale et environnementale permettant de préciser à la fois les coûts associés au projet, ses avantages attendus – y compris, à nouveau, par rapport aux objectifs assignés –, son impact environnemental et social, comme son impact territorial, et enfin son financement. Une telle approche devrait être menée, de manière transparente selon une méthode pluraliste et contradictoire. Ainsi les évaluations devront être menées simultanément par au moins trois équipes travaillant de manière indépendante, mais partageant résultats, et surtout données et hypothèses.
Une telle méthode permettrait d’avoir des débats ouverts avec les « décideurs » et leurs experts, ainsi qu’avec les assemblées représentatives concernées par ces décisions publiques (bailleurs ou non).
Le respect de règles communes d’évaluation est nécessaire, mais ne doit pas être exclusif d’autres approches, d’autant que les valorisations diffèrent d’un pays à l’autre.
De tels travaux – à condition d’êtr
L’exigence de la transparence
Il s’agit d’un principe de base de toute démocratie, qui est mis à mal du fait de la complexité croissante du fonctionnement de notre société, mais aussi du fait de la volatilité des prises de position qui caractérise les modes de communication actuels. Les objectifs de long terme en sont les premiers affectés et donc des choix de société fondamentaux, laissant le champ libre à des stratégies de communication pour influencer les décisions, ainsi qu’à un rôle accru de « lobbies » tendus sur des avantages particuliers, visant à influencer le déroulement de procédures démocratiques de décision qui deviennent plus vulnérables et parfois perdent leurs objectifs, leurs repères, voire leurs valeurs.
La transparence de la décision publique doit être repensée et réorganisée en fonction de ce nouveau contexte, de l’évolution de la société, des technologie de communication, et des comportements par des mesures qui peuvent être des sanctions ou des obligations contre l’opacité de la prise de décision mais aussi par des propositions qui organisent cette transparence. Le débat public est sans doute une première expression de ce principe de transparence dans le fonctionnement démocratique, mais il s’épuisera rapidement si la transparence de la décision publique n’est pas réintégrée dans la mise en œuvre des politiques.
L’objectif est alors ici de faire un certain nombre de proposition pour la transparence de la décision publique, au vu notamment d’une expérience sur le fonctionnement de la prise décision publique dans le domaine du transport, de l’aménagement des territoires, et de l’évolution des modes de vie.
Le contexte est alors bien celui d’une société plus complexe, dans laquelle se superposent différents niveaux institutionnels, avec une décentralisation encore mal assurée maîtrisée et organisée, et une intégration européenne qui semble hors de portée pour des choix d’avenir, autant de facteurs de vulnérabilités qui vont laisser le champ libre à des stratégies de communication d’autant plus agressives qu’elles ne sont pas vraiment redevables des messages véhiculés et qu’ils bénéficient de progrès technologiques foudroyants des modes de communication.
Ainsi les stratégies de communication et souvent même la pratique de la communication comme finalité, impactent directement le fonctionnement de la démocratie avec pour conséquence des prises de décision publique marquée par « l’immédiateté » plus que par les effets attendus de long terme, avec des médias qui amplifient ce phénomène ; les choix de long terme, en deviennent d’autant plus fluctuants, opaques, voire inconscients :
• qu’ils laissent une grande part aux « aléas » qui sont le plus souvent que des facteurs non anticipés,
• qu’ils accordent une importance beaucoup trop grande aux lobbies qui, eux, sont organisés non pas pour la transparence de décisions publiques mais au contraire pour influencer les décisions publiques dans un sens qui leur soit favorable, rompus dans l’utilisation des médias pour parvenir à leur fins, une situation extrême étant la publications de « fake news » :
• alors que, réciproquement, ces médias ne dispose pas de l’information nécessaire pour jouer un rôle de contre pouvoir, comme cela a été souligné précédemment.
Tout ceci intervient sans que les institutions publiques puissent toujours bien faire la différence entre un comportement de « partie prenante » contribuant à l’éclairage de la décision, ou celui de « lobby » visant à influencer le cours de la décision dans le sens d’intérêts particuliers ; ce risque est encore plus fort au niveau international et Européen dans la mesure où le rôle de lobbies y est plus facilement reconnu comme légitime.
Il faut alors souligner que, ce risque de « pervertissement » du fonctionnement démocratique n’est pas uniquement le fait d’intérêts privés, mais qu’il peut être celui d’institutions publiques représentant des professions ou des territoires particuliers, voire même le fait d’agences ou de groupements économiques dits d’intérêt national ou européen : ces organismes gravitent autour des institutions et se sont multipliés du fait de spécificités des sujets liés aux changements de la société et face auxquels des administrations traditionnelles délèguent leurs compétences
L’EVOLUTION DE LA SOCIETE OBLIGE A PLUS DE TRANSPARENCE
L’obligation de transparence de la décision publique ne peut se contenter de simples obligations de publication voire d’accès à des informations qui en sont à l’origine, ce qui est de plus en plus rarement le cas sous peine d’être suspect de détournement de l’action publique. Elle doit aussi résulter de tout un dispositif et d’une stratégie d’organisation de cette transparence, mobilisant pour se faire toute la puissance d’outils de communication avec dans ce cas un objectif de conforter un processus démocratique, et non de privilégier des intérêts particuliers. Sur ce dernier point il faut reconnaître que avec la CNDP, l’organisation des derniers débats publics dont les Assises de la mobilité, des progrès ont été faits au regard de la mobilisations d’outils de communication, mais cela ne doit pas cacher le fait que la transparence des fondements même de la décisions deviennent de plus en plus occultes et difficiles à cerner
Ainsi, le respect de la transparence de la décision publique ne peut alors résulter que de mesures « passives » aussi importantes soient-elles comme l’obligation de diffusion, mais doit aussi donner lieu à des mesures « actives » qui organisent cette transparence pour que les informations soient intégrées dans une vision plus globale du fonctionnement d’un système, du rôle des acteurs, ne serait-ce qu’en commençant par le recensement des acteurs qui interviennent dans la décision publiques ou bien bénéficient de crédits d’études et d’expertises publiques, et qui bien vite se retranchent derrière des principes de secret, difficiles à justifier.
Des mesures de transparence
Ces premières mesures visent d’abord à lutter contre la rétention d’information, avec pour premier principe le fait que toute étude financée sur fonds public doit être publique et accessible gratuitement au public sauf dans des situations déclarées au préalable comme « secret défense » ou relevant du « secret commercial » : rien que sur la base de ce seul principe de grands pas peuvent être faits quant à l’accès à des documents d’études et de données.
Ce premier principe devrait s’accompagner d’une déclaration de toute étude sur Fonds Public National et Européen précisant son statut d’intérêt public, son objectif (avec des mentions succinctes pour celle d’intérêt privé), avec communication de son budget et de l’organisme prestataire s’il y a lieu.
Pour garantir une exhaustivité de ce recensement une première liste d’organismes publics bénéficiant de fonds publics doit être établis organismes nationaux et européens. Au niveau des appels d’offres, de tels fichiers existent déjà mais un classement thématique plus qu’un classement par organisme adjudicateur, y compris niveau Européen est nécessaire, l’objectif n’étant pas ici la régularité d’un appel d’offre et sa publicité mais plus l’information sur le contenu de l’information. Ceci étant, pour simplifier les organismes adjudicateurs peuvent coopérer sur un tel fichier.
Cette déclaration donnerait alors lieu à un suivi avec mention dans le fichier des dates d’échéances, du responsable de suivi, le publication des principaux résultats obtenus une fois l’étude réalisée, et des modalités d’accès aux documents.
En lien avec cette obligation il faut alors prévoir des modes de dénonciation voire de sanction lorsque ces principes ne sont pas appliqués au titre de l’entrave à la transparence pour la décision publique, ce qui devrait favoriser une évolution de « culture » de la transparence alors que c’est plutôt celle du « secret » qui prévaut.
Dans l’organisation de la transparence, et sa pratique on peut bien entendu aller plus loin et la création de fichiers, par grands thèmes, distinguant sans doute voyageurs et marchandises, niveau local, national et européen, l’exploitation et l’infrastructure, bref dans une vision systémique du transport, sous forme par exemple de couches superposées (infrastructure, exploitation, économie, territoires….), dans laquelle surtout les approches transversales de l’énergie, du lien entre local et global, de l’accessibilité des territoires, de l’environnement sont aussi des rubriques essentielles.
A noter qu’une telle organisation facilite la mise en regard de résultats d’études et de données statistiques disponibles, la contrepartie étant bien entendu que cette facilitation de confrontation d’information va sans doute augmenter le nombre de recours possibles contre la décision publique, du fait de la constatation d’informations divergentes qui la sous-tendent mais l’exercice de la démocratie est bien à ce prix.
Ceci étant ces incohérences seront alors de moins en moins fréquentes et permettront de limiter les blocages imprévus qu’entraînent des avis défavorables, des annulations de DUP, l’échec de montages de Partenariat Public Privé fondées sur des estimations d’activité trompeuses, des annulations de décisions par le Conseil d’État, voire de contestations de décisions (80 Km/h) : il a été vu que de tels blocages ont fortement augmenté dans la période récente.
A ce stade il faut aussi souligner que l’organisation de la transparence gagnera toujours beaucoup d’un travail parallèle sur la pertinence de données, et notamment sur les données en quantités physiques du transport (Tonnes, voyageurs, tonnes.km et voyageurs.km, temps et coûts du transport) ainsi que celles des indicateurs dits de « performances » qui en sont déduites et ceci notamment. Au niveau national ce travail se limite trop souvent à un travail de comptes de transport, dont le sérieux n’est pas mis en doute dans une logique de comptabilité nationale, mais celle-ci est de fait fragilisée par l’ouverture internationale dans la mesure où la comptabilité sectorielle est loin d’être homogène en Europe.
D’ailleurs, pour les données du transport force est de constater que les directives sont rarement appliquées au niveau Européen, ou du moins pas avec la garantie de fiabilité statistique suffisante et que les indicateurs de performances sont des plus réduits, faisant pour la plupart abstraction de performances de coûts et de temps sur un axe et encore moins un réseau. Ceci hypothèque toute connaissance rigoureuse des besoins, besoins de transports pour lesquels sont prévus des dizaines de milliards d’euro de subventions et des centaines de milliards d’investissements à l’échelle de l’Europe.
Et pourtant de de nouvelles données détaillées, géocodées se développent à l’échelle de l’Europe, sur la description de réseaux, la connaissance sociale et physique des territoires, de l’environnement local, des mouvements géolocalisés. Mais leur utilisation est encore très limitée pour la prise de décision publique, l’abondance de nouvelles données de masse n’ayant pu être encore suffisamment maîtrisée pour l’aide à la décision publique : il y a manifestement aussi un retard pris dans l’adaptation des outils aux données disponibles, retard qui sera de plus en plus à l’origine de contestations des évaluations lorsque la communauté des parties concernées viendra à questionner la fiabilité d’outils qui ont peu évolué depuis de nombreuses années, et dont les ajustements ne sont plus possibles. Ceci étant des progrès restent à faire pour harmoniser les systèmes d’informations numérisés disponibles, encore très hétérogènes, pour en faciliter l’accès au public, et en permettre l’intégration dans des bases de données territorialisées.