Le projet Lyon-Turin Chapitre 1
Pourquoi le projet Lyon Turin ferroviaire
Le projet Lyon Turin, né dans les années 1990 (CIAT 1991, Sommet d’Essen 1994, commission intergouvernementale 1997) est très largement emblématique des grands projets contestés. Il l’est radicalement, plus ou moins depuis l’origine. La capacité actuelle des lignes ferroviaires, l’évolution de la demande, le coût du projet, ses avantages et effets externes, et donc son utilité même font débat, alors que les traités entre la France et l’Italie se succèdent en sa faveur et que l’Union Européenne y apporte son soutien (dans le cadre des Réseaux TransEuropéens) et s’engage à le financer largement.
Alors, comment et pourquoi un simple projet d’infrastructure peut à ce point devenir pour les uns « stratégique » et pour les autres « un gâchis ». Comme si une trentaine de milliards d’€ de coût global ne pouvaient aider à trouver au moins un accord sur les points essentiels. Car tout est contesté, tout est discuté. L’intérêt public à s’engager dans le projet d’abord. Question de base, première. A-t-on véritablement besoin d’un tunnel de base ?
Mdiais le coût lui-même ne fait pas l’unanimité. Et quand on se longe dans les conséquences environnementales, le projet est présenté par les uns comme largement au bénéfice de la collectivité, et par les autres comme une catastrophe.
Mais rassurons nous. Ce débat sur les traversées alpines – le rapport Brossier de 1997 parlait de Kriegspiel (mais pourquoi donc présenter comme ça le problème) – n’a rien de nouveau. Il faisait rage déjà au XIXème siècle, en France bien entendu, comme en Suisse ou … en Piemont, les Savoies n’étant pas encore « détachées » de sa moitié d’outre-alpes. Et il s’est poursuivi lors des projets de tunnels routiers au beau milieu du XXème siècle. Ainsi ce qu’il y a de redondant serait-il révélateur ? De la géographie sans doute, comme, probablement, des grands mythes qui par moment s’emparent des débats politiques.
Nous allons donc parcourir ensemble quelques textes dont les extraits – les liens vers les textes entiers seront fournis – peuvent permettre de mieux comprendre et discuter cette « histoire » du projet.
Un petit regard sur le passé
Passer sous les montagnes
On décida donc de passer sous les Montagnes. Mais les contraintes techniques de l’époque imposaient de percer des tunnels en altitude (autour de 1300 m), et donc de supporter des pentes parfois sévères. On trouve à la Bibliothèque Nationale pour la période comprise entre 1860 et le début du XXème siècle de nombreux ouvrages sur les différents tunnels alpins.
Déjà, en 1864, un auteur Suisse (Lommel, Georges Thomas. Étude critique des divers systèmes proposés pour le passage des Alpes Suisses par un chemin de fer... [Signé : Georges Lommel.]. 1864.) constate-t-il qu’il s’agit en fait d’un choix plus complexe qu’il n’y parait. On peut, en théorie, percer des tunnels - ou pas - et si oui à différentes altitudes. En effet, outre l’évolution possible des techniques de percement - l’auteur rêvait déjà de tunnels de base - on pouvait s’attaquer à la traction, Eugène Flachat préconisant (à l’époque de la vapeur !!) un système de motorisation répartie, et dans un premier temps un nombre d’essieux moteurs plus grand. (voir par exemple : Mathieu, Henry (ingénieur en chef des chemins de fer du Midi). De la Traversée des Alpes par un chemin de fer, par M. Eugène Flachat. Analyse, par M. H. Mathieu et E. Deligny.... 1861.)Une suggestion, que les pentes élevées imposées au Mont Cenis, n’ont pas réactivées lors de l’électrification… hélas.
Rappelons-nous en effet que le problème posé par le chemin de fer, est qu’il est très efficient à plat, mais souffre d’une adhérence faible roue-rail, nécessitant sur les pentes, un surcroît de puissance et dégradant les conditions d’exploitation. En effet, les vitesses, les contraintes énergétiques, les conditions de freinage, conduisent à détériorer les temps de transport, la taille des trains (contraintes de traction et de résistance des attelages) et donc les capacités des lignes. Des sujets toujours actuels.
Pourtant…
Prévoir : les perspectives qui expliquent ou non l’intérêt des grands travaux
Au XIXème siècle, s’agissant des franchissements Alpins, les spécialistes regrettaient que face à des besoins de transport ils ne pouvaient que mettre des projets de grands travaux dont la durée étaient trop longue. 20 à 25 ans, disaient-ils, c’est trop ! Or, si on a largement réduit les durées de travaux - on tablait sur 10 ans pour le nouveau tunnel (de base) sur la Liaison Lyon-Turin - force est de constater que 30 ans après les premiers documents communs SNCF-FS de 1993, on n’est plus certains d’une ouverture du tunnel aux alentours de 2030.
Ce sont, outre les aléas techniques, ceux de la décision publique. Or le raisonnement qui a prévalu en faveur de la liaison date bien de 40 années, et a du être plus ou moins révisé plusieurs fois. Et nous savons bien qu’un projet d’une telle ampleur (nous y reviendrons) ne peut que s’évaluer en prenant en compte une période longue. Il est illusoire en effet, dans la plupart des cas, qu’un grand projet d’infrastructure, ne puisse prendre tout son sens à très court terme. Non seulement l’ampleur des travaux ne peut qu’être amorti dans la durée, et les impacts significatifs ne peuvent être évalués qu’à long terme.
Ceci dit, la pratique de l’évaluation économique des grands projets conduit à privilégier pratiquement les effets de court terme sur ceux de plus long terme en pratiquant ce qu’on appelle l’actualisation, c’est à dire à prendre en compte notre préférence pour le présent.
Ainsi, évaluer un projet nécessite de prévoir le mieux possible l’évolution des transports et des trafics intéressant l’axe étudié (et au-delà), avec et sans la réalisation du projet.
La (pré)vision de 1993
Les premiers documents détaillés sont ceux de 1993, établis par les FS italiens et la SNCF française. Ils comprennent une synthèse et plusieurs fascicules particuliers.
Les documents sont assez étonnants. Curieusement ils ne respectent mal les directives relatives aux évaluations des grands projets d’infrastructures de transport qui étaient alors en préparation au sein du Ministère des Transports, qui avait par ailleurs une longue pratique des méthodes d’évaluation. Pratiquement, les scénarios de référence et « avec le projet », bien qu’ils intègrent des variantes sont peu ou mal décrits. En pratique on indique les niveaux de trafic actuels, et ceux attendus à la mise en service du projet, et on prend en compte ensuite une évolution tendancielle. Les différents scénarios permettent alors - en prenant un taux d’actualisation de 9 % (ce qui est étonnant, le taux recommandé alors étant de 8 %) - de déterminer le bilan coûts-avantages du projet, sans que les effets externes, positifs ou négatifs ne soient réellement approfondis.
Au total le bilan est alors négatif dans tous les cas, les TRI (taux de rentabilité internes) étant donc inférieurs au taux d’actualisation.
Pour autant ces documents de 1993 doivent être pris en compte dans le contexte de l’adoption en 1991 par le CIAT (Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire) du schéma directeur des liaisons ferroviaires à grande vitesse. Il nous semble dès lors que la force « juridique » de ce schéma et des évaluations passées « dispense » pour ainsi dire d’une présentation approfondie de l’évaluation, d’autant que dans le même temps le rapport de Louis Besson - sans évaluation - confirme l’intérêt du projet.
L’heure des (gros) doutes
Comme on a plu le voir, les bilans négatifs mis en évidence par l’étude de 1993 ne semblent pas avoir été anticipés (CIAT), ni pris en compte (Rapport Besson, décisions de principe franco-italiennes). Ce qui explique sans doute que plusieurs rapport viendront insister sur deux grandes questions : la réalité du « besoin », ou de la nécessité d’un tunnel de base, et celle, bien entendu du bilan. Or, très mécaniquement, un grand projet d’infrastructures ne peut trouver de rentabilité pour son promoteur ni même pour la collectivité que si les perspectives de trafic de référence, reporté et induit, sont assez importantes. Or cette question s’avère très vite discutée.
1. En premier lieu, l’étude initiale ne repose nullement sur des hypothèses de croissance des trafics importantes. En 1993, on prévoit des évolutions faibles et un ensemble de reports de trafic (pris aux autres modes) et d’inductions (trafics nouveaux) significatifs, mais modestes. Les trafics globaux, à la date de mise en service atteindraient (donc aux alentours de 2003 ou 2005) un peu moins de 10 millions de passagers et autour de 15 à 17 millions de tonnes de fret. Il est intéressant de souligner que l’évolution tendancielle des «coûts routiers » est prise alors à la baisse.
2. Le rapport Brossier 1998 Le rapports des MM. Brossier, Blanchet et Gerard est relativement nouveau sur le fond, dans la mesure où il prend en compte plus globalement la problématique des traversées alpines (voir texte ci-contre), et la réalité des besoins de infrastructure qu’il interroge. Pour une fois, la réflexion prend en compte les termes mêmes des conditions de concurrence, et la sensibilité différente des pays aux paramètres réglementaires. L’une des remarques importantes du rapport est de constater que « la masse énorme des investissement nécessaires pour les tunnels de base ferroviaires tant en Autriche (Brenner) qu’en Suisse (Saint Gothard, Lœtschberg) et en France (Mont Cenis) conduit à des projets sans rentabilité aux horizons habituellement pratiqués (20 à 30 ans). » Plus encore, le rapport rappelait, s’agissant du transport combiné, « Il parait donc actuellement préférable de chercher à selectionner dans le réseau français un sous-réseau dédié au fret, plutôt que de consacrer toute son énergie à un ouvrage colossal qui, par lui même, ne rendra nullement le fret rentable ». Pour le dire autrement, pour le fret, l’intérêt d’un tel projet est non seulement nul mais contreproductif.
Les perspectives de trafic retenues pour 2010 se montent alors à 6 millions de voyageurs - nous sommes bien loin des prévisions de 1993 -, dont une très faible induction, et le fret représenterait, selon les hypothèses relatives aux travaux en Suisse, à 10 à 24 millions de tonnes. L’analyse menée par ailleurs suggère qu’on examine des alternatives au projet pour faire face à une éventuelle croissance de la demande.
Le tournant des années 2000 des doutes aux critiques
Le rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures de transport (2003)
Ce rapport a une grande importance du fait qu’il associe l’Inspection Générale des Finances, au Conseil Général des Ponts et Chaussées, et a mobilisé au moins 16 inspecteurs et ingénieurs, et a permis d’examiner une centaine de projets. Il est important aussi par ses conclusions générales, puisque la mission a « identifié des problèmes majeurs de politique des transports et d’aménagement des territoires. »
Une fois encore il est constaté que « dans le cadre méthodologique actuellement applicable à l’évaluation des projets d’infrastructures, les études socio-économiques sont loin de démontrer l’intérêt du projet pour la collectivité. A cet égard, elle relève en premier lieu que les études socio-économiques conduites par Alpetunnel reposaient sur une méthodologie discutable : les hypothèses de trafic étaient particulièrement optimistes, les volets Voyageurs et Fret n’avaient pas été mis en cohérence, la valorisation des effets externes, non standard, tendait à surestimer la rentabilité socio- économique du projet.)
Mais a critique va plus loin puisque le rapport souligne que « Seule une très forte survalorisation des effets externes permettait de donner au projet la rentabilité socio- économique habituellement attendue des grands projets d’infrastructures. Cette démarche, censée prendre en compte les spécificités environnementales des zones de montagne, ne reposait pas sur des travaux systématiques d’évaluation des effets externes dans les vallées alpines. »
Plus encore, pour revenir sur l’un des thèmes du rapport Brossier, le rapport remarquait que « l’ouverture prochaine de deux nouveaux tunnels ferroviaires en Suisse, au Lötschberg et au Saint-Gothard, offrira une capacité de 30 à 50 millions de tonnes dès 2007, portée entre 40 et 65 millions de tonnes en 2015. Celle-ci devrait en conséquence permettre l’écoulement d’une part significative du trafic transitant par le segment alpin, actuellement partiellement détourné par la France. »
Au final les constats méthodologiques et l’analyse des réalités des trafics de l’arc alpin - compte tenu de l’évolution observée de la demande - conduisaient à des recommandations plus que prudentes.
Petite révolution dans les calculs
Les années 2007 et 2012 sont importantes puisqu’interviennent deux DUP (Déclaration d’Utilité Publique) du projet de tunnel et des accès au tunnel de base, dans un contexte précédemment marqué par un très important travail de réflexion, sous l'égide du Commissariat du Plan, sur les transports (Transports 2010, Documentation Française, 1992). Une période où un certain optimisme présidait encore aux prévisions de trafic, au point d’inquiéter. Ainsi, perçoit-on un risque de saturation de l’axe Nord Sud en France, déjà prévisible selon les travaux de l’OEST sur « l’axe lourd de la vallée du Rhône ». Or l’importance du transport de marchandises dans le contexte de l’intégration européenne (Marché Unique) est non seulement visible mais prévisible et conduit donc à prendre plus largement en compte le fret dans une perspective multimodale.
Ce contexte a donc eu un impact direct sur l’analyse du projet Lyon-Turin.
Mais d’autres facteurs joueront un rôle majeur dans la modification de la perception ou de la présentation du projet.
1. La prise en compte d’un taux d’actualisation nettement plus bas qu’en 1993. En effet, Consécutivement au Rapport Boiteux, le taux d’actualisation est ramené à, 4% jusqu’à 30 ans et 3,5 % ensuite. Rappelons qu’il était de 9 % au milieu des années 1990. Cette modification - sur un horizon plus long, fixé désormais à 50 ans - augmente mécaniquement la Valeur Actualisée Nette du Projet. En revanche les TRI (taux de rentabilité internes) ne sont impactés - positivement mais faiblement - par l’allongement des périodes d’étude.
Remarque : Il reste que sur des périodes aussi conséquentes il est discutable de ne pas prendre en compte des modifications radicales possibles des technologies (ferroviaires, routières, etc..)
2. La prise en compte plus systématique des effets externes, et progressivement des émissions polluantes ou de gaz à effet de serre, modifie l’équilibre interne des effets du projet, d’autant que les effets négatifs (eau, pollution, émissions de CO2 pendant la construction, …) sont régulièrement sous-estimés. Ainsi, en moyenne les effets externes représentent autour de 50 % du coût de l’investissement en valeur actuelle, et contribuent massivement à rééquilibrer le bilan de l’opération.
Remarque : Une polémique existe par ailleurs sur la méthode d’évaluation des effets externes. Elle sera l’un des éléments mis en avant parla « contre analyse Coûts Avantage Italienne » sous l’égide de Marco Ponti.
3. Les prévisions de trafic. Si la valorisation des avantages pour les usagers sont discutés pour les voyageurs (l’introduction d’une offre Italienne sur Turin Lyon comble une grande partie du gain de temps imputa à la future liaison par le tunnel de base), la valorisation des effets externes positifs liés au Fret reposent sur des prévisions largement discutées. En effet, le gros fléchissement des transports au début des années 1990 ne permettait plus d’extrapoler une croissance quasi explosive. D’où la prise en compte de scénarios contrastés. L’un considère comme acquis un prolongement du marasme, un second une décennie perdue, et le dernier un rebond. Mais les perspectives de trafic pour le fret continue alors d’anticiper une croissance linéaire du trafic de poids lourds à travers les passages alpins. Or ce trafic ne progresse plus depuis les années 1990. Et de surcroît, une part non négligeable du trafic escompté proviendrait en fait d’un report des axes ferroviaires suisses ce qui ne constitue en rien un avantage socio-économique, mais seulement un gain de péage au détriment des chemins de fer helvétiques.
La cahier (Quaderno) n°8 de l’Observatoire Turin-Lyon
L’Osservatorio per l’asse ferroviario Torino-Lione a été créé par le gouvernement italien en 2006 avec un but explicite d’assurer l’examen « de toutes les demandes intéressées par la réalisation de la nouvelle ligne de Turin Lyon (NLTL), avec l'analyse des questions critiques et l'instruction de solutions pour les décideurs politico-institutionnels. »
Dans ce cadre un cahier spécifique, le 8ème est consacré à l’analyse coûts-avantages du projet, et vient clore une série consacrée à la description du projet.
Le cahier n°2 traite - après un travail s’étant déroulé pour l’essentiel au premier trimestre 2007 - des prévisions de trafic pour le fret. Son approche ne se contente pas de prendre en compte les prévisions « officielles » de Lyon-Turin Ferroviaire, mais intègre des scénarios demandés par la vallée de Suse, et examine les prévisions faites à la demande de la Commission Européenne (projet conduit par COWI). Il rassemble par ailleurs diverses notes émanant des acteurs et différents documents techniques. Notons qu’il intègre une courte note sur le rapport d’audit français présenté plus haut.
Le cahier n°8 apparait donc comme une synthèse globale qui résume bien l’analyse du projet en 2011, c’est à dire au moment de la DUP française sur les accès au tunnel. La démonstration initiale est fondée sur un raisonnement désormais stabilisé. Elle consista à dire que le niveau de trafic (la demande) est important, mais que le système ferroviaire ne peut pas en capter une part significative raison de la piètre qualité de la ligne historique. Au surplus, en se projetant vers les 100 ou 150 prochaines années, le rapport dénie toute possibilité au tunnel ouvert en 1871 de satisfaire aux besoins futurs. Le rapport - qui reproduit mais n’intègre pas les critiques de certains économistes - valide les trois scénarios déjà évoqués et donc les perspectives d’évolution du fret ferroviaire. Le problème du fret (qui n’est pas spécifique aux seuls passages alpins français) serait donc résolu avec le seul tunnel de base, et bien sûr serait insensible à toute évolution technologique de la route.
La Cour des Comptes doute
La Cour des Compte publie en 2012 - pendant une période riche en publications - un référé sévère sur le projet Lyon Turin. Celui-ci considère que le choix fait - considérablement onéreux - ne prend nullement en compte les alternatives possibles, néglige l’ensemble des avis négatifs rendus (voir plus haut : rapport Brossier, Audit, ..), et s’appuie - pour le fret en particulier - sur des hypothèses de trafic très optimistes.
En outre la Cour souligne le dérapage des coûts, le pilotage insuffisant du projet. Une fois encore la problématique « initiale » de la saturation de la ligne historique est évoqué, celle-ci s’éloignant de plus en plus.
Enfin, la Cour rappelle et souligne le caractère « faible » de la rentabilité socio-économique du projet, et les incertitudes pesant sur le financement du projet.
Ces constats concis - il s’agit d’un référé - résument assez largement les critiques présentes depuis l’origine du projet.