Transports et politiques de voisinage, une apogée dans les années 90, qui s’est progressivement vidée de tout contenu politique.
Les politiques de voisinage
Politiques de « voisinage », une expression qui a été utilisée par l’UE pour définir des relations avec les pays « voisins », et dans lesquelles les relations de transports ont toujours joué un rôle important, avec l’articulation des réseaux pour les infrastructures et le développement de services de transports. Le fait de s’attacher aux relations de transport est perçu comme une traduction concrète d’une volonté de se rapprocher et d’échanger sur le plan économique, culturel, et parfois même familial lorsque des mouvements de populations entre pays voisins préexistaient. Ainsi le terme « voisinage » comporte une connotation positive de volonté de rapprochement voulu, contrairement au terme de « proximité », qui peut être tolérée voire subie.
La question se pose de savoir quel rôle ont joué les transports dans des politiques de voisinage et comment s’est exprimée cette politique, par quel type d’institution. Cette question se pose d’autant plus que les politiques de voisinages entrent aujourd’hui dans une période de crise pour l’Europe, depuis plusieurs années en direction de la Méditerranée avec une forte vague de migration à laquelle l’Europe ne veut ou ne peut faire face, et à l’Est avec le conflit avec la Russie et le Belarus.
La réponse n’est pas immédiate et l’objet de ce chapitre est de rappeler quelle a été la dynamique transport dans les politiques de voisinage notamment durant les années 90 avec l’ouverture à l’Est qui devait se traduire par un élargissement de l’UE, et l’ouverture sur la Méditerranée et notamment durant la période courte de processus de Paix au Moyen Orient, qui a offert une fenêtre pour associer une politique régionale des transports au rétablissement, via les transports d’une relation de proximité.
Dans la lignée de cet apport du transport, la politique Européenne de voisinage a sans doute connu son apogée avec l’initiative du commissaire Loyola De Palacio qui a proposé une politique de transport et de voisinage aussi bien en direction de l’Est et de la Méditerranée sur la base d’un prolongement des RTE au début des années 2000, mais sans que cette volonté politique soit toujours bien relayée et perdure. L’association des politiques de transport et de voisinage était déjà, sans doute engagée dans une phase de repli.
Mais il faut aussi dire que les initiatives de l’UE ne doivent pas être les seules à être considérée dans les politiques de transport et de voisinage : le rôle d’autres organismes internationaux comme la CEE-ONU, la CEMT ou le PNUD doivent être considérés, ainsi que des initiatives de voisinage qui ont été tentées an niveau national. Les objectifs peuvent être plus ou moins techniques, politiques spécialisés (environnement), mais traduisent souvent une bonne connaissance du contexte et témoignent d’une grande continuité. Cela n’a peut-être pas toujours été le cas de l’UE qui a eu tendance après les années 2000 à se considérer comme un organisme de passage obligé, comme les textes lui permettait.
Il faut alors rappeler que le qualificatif de « pays voisin » on ne se réfère pas uniquement aux pays qui ont une frontière commune, et l’Europe le définit par une liste de pays. Pour illustrer cette définition il suffit de se référer aux cartes qui avait été diffusée par la commissaire Européenne Loyola De Palacio (cf. plus loin) montrant comment les réseaux Européens se prolongeaient en Méditerranée, et en Europe centrale et orientale jusqu’à la zone du Caucase (corridor TRACECA), à travers la mer Noire, en intégrant bien entendu la Turquie pays candidat à l’intégration Européenne. Mais si cette approche de prolongement de réseaux Européens (les RTE après 1993) a facilité l’adhésion de nouveaux pays membres d’Europe centrale en 2004, cela n’était pas à priori l’objectif, et les politiques de voisinage se sont aussi heurtées à des situations de conflits préexistants (par exemple question des transports durant le « processus de Paix » au Moyen Orient), ou de conflits qui ont surgi, comme cela est le cas pour les relations aujourd’hui avec l’Ukraine (Kiev est l’aboutissement du corridor prioritaire Méditerranéen de l’UE) ou la Russie. Dans le cas de conflits préexistants, l’approche par les transports s’est alors aussi révélée comme une première scène de dialogue assez bien acceptée par les parties concernées.
Ainsi on peut aussi voir les transports comme des politiques d’avant-garde, qualificatif qui avait été retenu lors des « rencontres de Barbizon » pour le suivi de la « transition » avant que l’on en connaisse l’issue (« Pour des transports à l’avant-garde de l’Europe de demain »).
Depuis la fin de la guerre on peut alors distinguer différentes périodes pour faciliter le transport et les échanges entre les pays, celle de la guerre froide (qui n’excluait pas pour autant toute coopération entre les blocs) jusqu’à la chute du mur de Berlin en novembre 1989, la période de transition jusqu’au début des années 2000, puis la période actuelle durant laquelle la politique des transports de l’UE s’est imposée en Europe pour progressivement s’essouffler dans ses motivations politiques et laisser le champ à des initiatives et projets plus techniques et isolés.
Un premier cadre pour le transport sur le continent Européen, celui de la CEE-ONU
Un cadre technique pour les infrastructures et leur exploitation
Dès la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1947, l’ONU s’est bien entendu attachée aux questions de transports permettant de rétablir des relations entre les pays et ceci dans une représentation qui dépassait le clivage entre l’Europe de l’Ouest et le bloc Soviétique, dans le cadre du Comité pour le Transport Intérieur basé au siège de l’ONU à Genève. Le travail a été réalisé durant toute la durée de la guerre froide avec les représentants des pays, et malgré tout le poids que l’on imagine du respect des préséances de pays qui y étaient très sensibles, ne serait-ce qu’en matière de définition d’ordre du jours, de prise de parole, de traduction, de validation de comptes rendus et décisions, au Palais des Nations Unies de Genève Un travail de fonds a été réalisé, progressivement, parfois laborieusement, mais toujours de manière déterminée avec des représentants des pays mais aussi des professionnels à qui on déléguait des tâches plus techniques essentielles comme celles de normes de sécurité, de dénomination de matières dangereuses ou de définitions de normes. Ces normes concernaient aussi des documents de transports indispensables (Convention TIR de 1975, voire l’établissement de statistiques de transport, y compris des statistiques de circulation sur les réseaux difficiles à collecter.
Car une autre vocation de la CEE-ONU (Commission Economique pour l’Europe) a aussi été de définir des réseaux, pour la route (AGR), le fer (AGC) et même le transport combiné (AGTC) : pour la route le concept était celui d’un maillage d’Est en Ouest et du Nord au Sud définissant les route E, dont on voit assez peu de référence sur les panneaux en France mais beaucoup plus d’en d’autres pays d’Europe. Pour le fer il s’agissait de relier les principaux itinéraires avec néanmoins une couverture assez fine et une bonne représentation technique des caractéristiques pour renseigner la circulation des trains, réalisée dans le cadre d’une coopération avec des réseaux dont on connait la diversité des normes. Les chantiers et points nodaux n’ont pas été oubliés dans les réseaux AGC et AGTC, cohérents par constructions. Les mesures préconisées visaient alors à harmoniser et améliorer des performances d’exploitation et de circulation (vitesses par exemple).
Avec le recul, on ne peut que constater que cette approche pragmatique, sans financements particuliers, a beaucoup aidé pour progresser dans le fonctionnement de réseaux plus ambitieux pour les infrastructures et leur exploitation, dans un contexte de l’UE à priori beaucoup plus favorable en termes de moyens alloués ou de volonté politique, mais qui se révèle encore long pour la mise et très complexe, pour le ferroviaire.
Mais aussi un cadre de planification pour la coopération entre pays voisins.
A l’origine le projet TEM était plus celui de la promotion d’un corridor s’étendant de la Pologne, à travers le centre puis l’Est et le Sud-Est de l’Europe en direction de la Turquie, l’Arménie, la Géorgie, le long d’un axe, sensible, fortement marqué par la coupure entre l’Europe de l’Ouest le bloc de l’Est. Il s’agissait du projet de corridor TEM (Trans-European-Motorway) de 1977 qui s’étendait initialement de la Pologne jusqu’à la Turquie et puis s’est étendu puis ramifié jusqu’au Caucase, intégrant l’Ukraine. L’office central du projet est situé à Varsovie.
Cette initiative a donc débuté bien avant la chute du mur de Berlin, pour faciliter les échanges, accroître l’efficacité du transport et coordonner des investissements en infrastructure. Elle s’est progressivement affinée, étendue et renforcée pour devenir un véritable organe, subrégional, de planification d’un réseau et d’intégration de systèmes de transport : on parle désormais de réseaux TEM et TER auxquels participent une quinzaine de pays. Ainsi il y a actuellement, pour la période 2021-2027 un schéma directeur TEM et TER ainsi qu’un Plan Stratégique, le centre de pilotage du projet étant implanté depuis l’origine à Varsovie.
Après la chute de Berlin, en 1990, la question s’est alors posée de savoir si cette initiative pour des échanges du Nord au Sud le long d’une ancienne ligne de fracture au sein de l’Europe ne devait pas être totalement remise en cause, pour laisser place à une approche qui se ferait plus dans le sens d’échanges Est-Ouest qui n’allait pas tarder à exploser entre les pays de l’Europe occidentale et ceux de l’Europe orientale (PECO). Notre sentiment, pour avoir vécu cette période et participé à des réunions avec des représentants de l’ONU (PNUD), Banque Mondiale, CEMT (Conférence Européenne des Ministres du Transport, voir plus loin), est qu’il ne fallait pas sous-estimer 2 phénomènes qui font qu’une initiative de coopération en transport de cette sorte est très difficile à remettre en cause.
La raison principale est sans doute la force des liens de coopération internationale qui avaient pu s’établir ainsi entre les pays sur le thème du transport, survivant au choc de la chute du mur de Berlin. L’existence d’un centre à Varsovie, la tenue de réunions régulières avaient sans doute crée des liens plus profonds que l’on aurait pu le penser entre des communautés de professionnels, spécialistes du transport voire fonctionnaires nationaux délégués ou non dans des organismes internationaux, qui sont demeurés présents dans le fonctionnement des systèmes de transport.
Et en définitive, ce n’est pas une transformation de l’initiative TEM/TER qui s’est produit mais son adaptation et sa diversification
D’ailleurs dès la fin des années 80 la division des transports de la CEE-ONU avait favorisé une approche comparée de 3 grands corridors en Europe, le premier s’étendant de la Péninsule Ibérique jusqu’à la Scandinavie, le deuxième de l’Allemagne jusqu’à l’Italie, et le troisième, de fait le long du corridor TEM/TER mais avec un prolongement sur la Grèce. Il s’agissait en réalité d’un travail plutôt académique sur trois grandes bandes entre les pays intégrant des réflexions sur les besoins de données (question d’observations) d’étude de trafic et les méthodes de projection. Pour ce faire un centre en Espagne (le Centre d’Etudes et Transport en Méditerranée Occidentale), l’Université d’Aix la Chapelle en Allemagne, et un centre d’Observation en Grèce (Volos) avaient été mobilisés, en plus du centre de Varsovie mentionné. Mais si cette initiative a assez vite été oubliée, malgré des analyses originales sur l’analyse de réseaux internationaux, pour des raisons qui tiennent sans doute au fait que la Commission Européenne était sourcilleuse sur ses prérogatives en matière de transport pour l’Europe occidentale, il faut néanmoins retenir tout ce bouillonnement de réflexions et d’échanges qui existaient avant 1990.
La CEMT (Conférence Européenne des Ministres des Transports) à l’avant-garde dans les relations de voisinage avec les pays d’Europe centrale.
La CEMT est une organisation internationale crée en 1953 et rattachée à l’OCDE. En 2006 la CEMT sert de base pour créer le FIT (Forum International des Transports) groupe de réflexion sur les transports qui opère à l’échelle intercontinentale.
La CEMT était restée une petite structure, particulièrement réactive qui avait un accès direct aux ministres des transports des pays membres de la CEMT avec à l’origine 16 pays adhérents d’Europe occidentale, y compris la Suisse et la Turquie. Son objectif était défini de manière assez générale pour favoriser au sein de l’Europe une utilisation des transports performante et disposait de la possibilité de distribuer des autorisations de transport international. La CEMT bénéficiait aussi d’un rayonnement en favorisant les échanges académiques sur des travaux d’études et de recherche en transports des pays, et en instaurant des groupes de travail dont les recommandations pouvaient étaient soumises aux Ministres des transports.
Ainsi après 1990 les pays d’Europe centrale ont pu adhérer rapidement à la CEMT dans les 2/3 années qui ont suivi (la Russie y a adhéré en 1997), créant très tôt des possibilités d’échanges au niveau des ministres des pays d’Europe, non sans irriter parfois les fonctionnaires de Bruxelles, qui n’avaient pas encore l’autorité pour intervenir directement dans des relations de voisinage avec les pays d’Europe centrale.
Dans le cadre du groupe « Tendances du transport international des Besoins en Infrastructures » (dont Christian Reynaud a assuré la présidence durant la transition des années 90), tout un travail d’analyse des politiques nationales, d’évolution des trafics a été réalisé conduisant à identifier un ensemble d’axes prioritaires à aménager en priorité pour le développement des relations dans un espace ouvert sur l’Europe Centrale.
Devant la difficulté de raisonner en terme de réseau pour l’ensemble des pays d’Europe centrale, il a alors été décidé d’identifier une dizaine de corridors sur lesquels la coopération entre pays, et les aides internationales devraient se concentrer, la notion de corridors facilitant une coopération entre acteurs du transport. Ces corridors ont constitué une contribution majeure lors de la deuxième conférence Pan Européenne des transports de Crète en 1994, regroupant l’ensemble des pays Européens avec la participation des 3 organisations internationales :
- l’UE qui en 1994 s’est retrouvée porteuse de l’approche initialement conduite par la CEMT,
- la CEMT qui avait l’avantage d’avoir comme pays adhérents la plupart des participants,
- et enfin la CEE-ONU qui était plus concentrée sur des relations entre des pays situés plus à l’est, tels ceux du projet TEM/TER.
Mais outre ces aspects institutionnels qui ne faut pas négliger dans la mise en place des politiques il faut reconnaitre la relative rapidité d’obtention de cet accord qui marquera fortement la détermination d’ouverture à l’Est en y donnant un support tangible, malgré des problèmes de tension entre pays parfois encore très forts : on peut noter par exemple le cas du corridor 1, à partir de la Pologne et à travers les Pays Baltes, qui se heurtait à une opposition de la Russie (au point d’éviter de mettre une couleur sur la carte finale des corridors), ou bien le cas du corridor 8 reliant d’Est en Ouest la Bulgarie à la Macédoine, qui soulevait une opposition frontale de la Grèce, voire enfin la définition d’une liaison Nord-Sud de la Pologne vers l’Autriche qu’il a bien fallu dédoubler en raison de la récente scission de la Tchécoslovaquie. Tout cela sans parler du corridor 10 à travers l’ex-Yougoslavie en guerre, et qui était mis en attente. Tous ces problèmes non complètement résolus sur le plan politique, ont pu être surmontés dans une vision transport globale qui s’imposait.
De l’épisode de rencontres « informelles » de Barbizon pour suivre « la transition » à la politique de voisinage de l’UE
Observer et suivre la transition, sans autre présupposé de substitution d’un modèle par rapport à un autre, et sans pouvoir véritablement définir ce que devait être une transition tel était l’objectif des rencontres de Barbizon. Le but était simplement de comprendre ce qui se passait après l’effondrement du bloc communiste et une réorientation totale des échanges des pays d4europe centrale en quelques années.
Durant la période 1991 à 2000, l’INRETS (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité), par l’intermédiaire de son Département d’économie et de sociologie des transports (DEST), a en effet pris l’initiative d’organiser tous les ans des rencontres informelles. Ces rencontres se déroulaient à Barbizon dans un centre qui hébergeait durant une semaine une quarantaine d’experts des transports des pays d’Europe de l’Ouest et d’Europe centrale, d’administrations publiques, d’instituts de recherche voire du monde professionnel. L’initiative était soutenue par des organismes internationaux, dans la mesure où des représentants de la CEMT, de la CEE-ONU, de l’UE voire de la BEI y sont venus présenter de manière informelle leur perception de la situation et bénéficier des échanges. Ces échanges ont donné lieu à 9 publications de l’INRETS sur les contributions des participants et les discussions, regroupés sous des thématiques traduisant, de fait, une marche progressive vers un vision plus commune de transports.
Mais outre ce contexte particulier de rencontres, suivies sur une période de 10 ans, il faut insister sur le fait qu’il n’y avait pas de modèle présupposé sur ce que devait être l’aboutissement de la transition, ni de cheminements déterminés sur un passage d’un système de planification à un système où la libéralisation était la solution. Il ne s’agissait pas de convaincre mais simplement de comprendre, ainsi que de créer un réseau stable, pour mieux cerner des évolutions en temps réel, voire coopérer sur des travaux plus approfondis sur le sujet, qui n’ont pas manqué de se développer à l’initiatives des pays ou institution internationales. Ainsi l’intégration Européenne n’est apparue comme une hypothèse qu’assez tardivement, le suivi de la transition s’étant aussi beaucoup fixé sur risques d’effondrement des économies de l’EST du début des années 90, et en particulier des risques de repli identitaires, et les possibilités de reprise économiques : il était évident que la privatisation ne pouvait être le seul mot d’ordre, ne serait-ce que par absence de capitaux, et lorsque les capitaux étaient disponibles il fallait aussi comprendre ce que cela pouvait impliquer en termes de dépendances, de pratique de sous-traitance, comme cela a été le cas en transport routier. Pour le transport ferroviaire le mesure de la baisse d’activité attendue était bien anticipée sur la base d’analyses des trafics sectoriel et de réorientation des échanges. Les questions d’impact environnemental n’ont pas été oubliées avec notamment la question de la protection du Danube, dernier fleuve vivant de l’Europe, comme est venu l’expliquer l’équipe Cousteau.
L’approche était donc très pragmatique, ce qui ne dispensait pas d’adopter des principes structurants d’organisation des discussions, ceux d’une approche systémique globale du transport, dans ses dimensions économiques, sociales, institutionnelles, celui de la recherche de témoignages et d’exemples, ainsi qu’un effort permanent de collecte de données pour comparer, mais aussi de se projeter dans l’avenir commun sur des bases communes. Dans ces perspectives l’intégration apparaissait encore peu probable pour les pays des Balkans hormis la Slovénie, et sans doute plus difficile pour des pays qui accusaient plus de retard comme la Bulgarie ou la Roumanie. Et il faut reconnaitre, que la rapidité d’intégration des Pays Baltes n’a pas été anticipée, pays qui n’avaient pas de représentants dans ces rencontres. Faut-il chercher une explication dans le fait que l’on comprenait mal ce qui se passait aux frontières de Russie, et ce qu’il était advenu d’un complexe industrialo-militaire autrefois si puissant, passé « sous les radars ». Cela étant il faut aussi souligner que durant les premières années les plus dures de la transition, les participants reconnaissaient tous la force et la solidité du socle institutionnel du renouveau démocratique des pays d’Europe, comme le montre encore aujourd’hui l’Ukraine.
La liste des publications de ses rencontres, donne une idée des thèmes abordés au cours de cette période. Ces publications reprenaient les échanges dans leur « authenticité », reflétant des différences d’approches suivant les cultures, les expériences, les formations, voire des problèmes d’expression ne serait-ce qu’en raison de la diversité de langues, qui assez vite ne constituait plus une barrière de communication. Cette « reproduction » était importante, même si elle a été parfois sous-estimée dans des cercles académiques qui ne retrouvaient pas assez vite leurs grilles d’analyse.
Outre l’apport des confrontations d’expériences sur des questions du transport, et des perspectives attendues, l’évolution des modes en transport national et international, l’accent a été aussi mis sur l’harmonisation d’outils d’analyse, sur des démarches de prospective et d’évaluation de projets et politiques. Ainsi le mot « planification », qui ne pouvait plus être utilisé dans des rapports sans provoquer des réactions, a été très vite réintroduit pour les transports, sous une forme différente de celle connue en Europe de l’Est. Un autre résultat des rencontres est que les réseaux de relation qui s’y sont noués ont donc facilité la constitution d’équipes pour des travaux de recherches et d’études, réalisées durant la transition et même après, ayant contribué à un travail d’intégration Européenne tant au niveau national qu’international.
Après 2000, la commission s’impose dans les politiques de voisinage avec l’ambition affichée de développement des « Réseaux pour la Paix et le Développement »
Il s’agissait là d’un objectif ambitieux porté avec détermination par la commissaire Loyola De Palacio, sensible aussi bien a une ouverture sur la Méditerranée que par la récente ouverture à l’EST, dans laquelle la Commission a dégagé des subventions importantes. Ainsi, dès le début des années 2000, une fois acquise l’intégration de nouveaux pays membres, se pose très vite la question de l’étape suivante, celle de la prolongation des réseaux en direction de nouveaux pays voisins. L’objectif n’est plus là l’extension de l’UE, mais celui du développement économique et de renforcement d’une garantie de paix aux nouvelles frontières de l’Europe. Cette vision globale est clairement exprimée dans le rapport « Networks for peace & dévelopment »
Ce faisant il apparaissait aussi que ce type d’initiative allait relever dorénavant de la Commission Européenne, jalouse de cette prérogative, acceptant difficilement des relations qui pourraient s’établir à une échelle sous-régionale impliquant des pays de l’UE et d’autres pays voisins, voire même d’initiatives provenant d’autres organisations internationales sans préséance de la commission. Cela a été notamment le cas lorsque les pays de Méditerranée occidentale ont développé des relations 3+3 (Algérie, Maroc, Tunisie avec France, Espagne, Italie), à la suite de coopération des 3 pays d’Europe du Sud qui s’était établie dès 1985, avec la création du CETMO à Barcelone (Centre d’Etudes Transport en Méditerranée occidentale).
Cette initiative de l’UE a été, de fait, décomposée en 2,
- avec d’une part des prolongement de réseaux en direction de l’Est, à travers certes le Belarus, mais aussi l’Ukraine et la Mer Noire, jusque dans le Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan), incluant bien entendu la Turquie traitée alors avec un statut de pré-accession relevant pour les transports du processus dit TINA (Transport Infrastructure Network Assessment) en référence à l’approche adoptée pour les pays d’Europe centrale après la définition de corridors prioritaires) : cette initiative prend avec les conflits actuels en Ukraine et en Géorgie, avec ceux qui perdurent aux frontières de la Turquie et la Syrie, voire Irak, toute son actualité.
- et d’autre part une extension en direction des pays de la Méditerranée, et qui relève d’une histoire plus ancienne, ayant connu des hauts et des bas, dans le cadre d’une politique de coopération mentionnée dans le traité de Rome, et qui a été reléguée au second plan depuis l’ouverture à l’EST, la Méditerranée devenant souvent plus une frontière qu’une mer commune.
Pour la partie extension à l’Est des RTE de l’UE actuelle il a été alors nécessaire d’articuler cette initiative avec celle de la CEE-ONU dont l’expérience et les travaux dans la zone étaient déjà bien avancés, ce qui n’était pas le cas de la Commission qui y apportait néanmoins une dimension plus politique : les derniers documents de planification TEM-TER en témoignent, montrant comment les axes sélectionnés s’articulent avec ceux de l’extension des RTE de la commission.
Quant à l’ouverture sur la Méditerranée, l’extension des RTE en suivant une logique analogue à celle de l’extension aux pays de l’UE situé plus à l’Est. La Turquie se retrouvait alors dans une position de charnière entre ces espaces. Il faut dire que le travail de coopération entre pays sur les transports déjà amorcé en Méditerranée occidentale, entre les pays d’Europe du Sud et du Maghreb dans le cadre du CETMO, ainsi qu’entre les pays du Maghreb eux-mêmes avec les réflexions sur l’axe Trans-Magrébin. De fait il s’agissait là de la reprise d’un travail antérieur, à la suite de la déclaration de Barcelone de 1995, qui soulignait déjà l’importance du développement et de l’amélioration des réseaux en Méditerranée et de l’élaboration d’un programme de priorités, impliquant de fait la nécessite de définir une méthode, pour établir ces priorités. La Commission Européenne avait demandé au ministère des Transports Français de faire une proposition de réseau multimodal prioritaire en Méditerranée, avec les partenaires concernés, (conférence des transports de Lisbonne en janvier 1997), laquelle a fait l’objet d’un projet, CORRIMED conduit par l’INRETS-DEST, intégrant des infrastructures multimodales terrestres et des points d’interface portuaires, et a été présenté à la troisième conférence Pan-Européenne d’Helsinki en 1997.
Mais l’histoire du développement de réseaux Euro-Méditerranéen dans une politique de voisinage est plus longue et plus complexe notamment en ce qui concerne les relations en Méditerranée orientale, où des initiatives de voisinage ont été possibles entre pays, malgré des situations de conflit, histoire qui se traitait aussi à une échelle mondiale plus large pour favoriser « la Paix et le développement », ne serait-ce que pour rappeler le titre du rapport de la commissaire Loyola de Palacio.
Des politiques de voisinage, réussies en transport, qui se sont heurtées à des défaillances de soutien politique.
Pour les politiques de voisinage en transport en Méditerranée, un retour en arrière s’impose pour monter comment un ensemble d’initiative se sont très tôt développées, ont donné lieu à un travail de coopération et de concertation au moins comparable à ce qui a été fait au sein de l’UE après 1990 (avec notamment le programme MEDA en 1995, pendant du programme PHARE de 1989 pour les pays de l’EST), mais sans retrouver le même engagement et soutien politique. Des tentatives faites dans le domaine du transport pourtant bien engagées pour favoriser des politiques de voisinage, ont été délaissées et souvent oubliées, et ceci malgré des rebondissements de nouvelles déclarations politiques « fracassantes » de solidarité, comme la déclaration de la conférence de Barcelone en 1995, ou bien celle de l’UNION pour la Méditerranée du Sommet de Paris en 2008, mais suivies d’action concrètes limitées, pour se retrouver aujourd’hui dans un des pires scénario qui avait pu être imaginé, avec des mouvements migratoires tragiques, alors que la Méditerranée était imaginée comme un trait d’Union.
Et pourtant la question du voisinage avec les pays Méditerranéen était inscrite dans le traité de Rome, et, dès 1972 au sommet de Paris, les chefs de gouvernement de ce qui était encore la CEE (Communauté Economique Européenne) décidaient de mettre en œuvre une approche globale et équilibrée à destination des pays riverains de la Méditerranée, y compris le Portugal (qui n’avait pas encore adhéré) et la Jordanie. Mais en réalité il y avait toujours une difficulté à construire une politique globale en Méditerranée et le processus engagé était un processus essentiellement bilatéral, avec 3 types d’accords, d’association, de coopération, ou bien accord commercial pour une zone de libre-échange. A ceci s’ajoutait la crainte qu’il n’y ait un mouvement de balancier de l’Europe tendant à favoriser une ouverture à l’Est, par rapport à une ouverture au Sud : cette crainte était bien sous-jacente lors de l’important colloque organisé dès en Septembre 1990 par le Crédit Mutuel Méditerranéen sur « l’Avenir de l’Espace Méditerranéen » regroupant des représentants des pays du Nord et du Sud de la Méditerranée, parrainée par le commissaire Européen Matutes couvrant un vaste ensemble de thématiques économiques, culturelles, financières, institutionnelles et transport avec plus d’une soixantaine d’intervenants (cf. publication Christian Reynaud et Abdelkader Sid Ahmed). Avec le recul, cela s’est bien avéré être le cas, malgré l’annonce globale, régionale concernant tous les pays Méditerranéens et la proposition en 1994 de la création d’une vaste zone de libre-échange Euro-Méditerranéenne en 1994 pour l’horizon 2010. On était bien là dans des approches parallèles, dans les déclarations entre des politiques de voisinage à l’Est et au Sud avec des thèmes d’intervention sur la transition économique, un meilleur équilibre socio-économique, et une intégration régionale.
En transport des initiatives comparables ont été conduites en Méditerranée, y compris dans des situations politiques délicates comme lors du processus de paix pour le Moyen Orient (voire à la fin de la guerre entre les pays de l’ex-Yougoslavie, bien que la question des Balkans relève d’un contexte plus particulier). Et la encore les transports se sont trouvé dans une sorte de positions d’avant-garde, cherchant des approches globales et transposables dans l’ensemble de la zone, suite à une large concertation avec les acteurs et responsables institutionnels, tout se heurtant à des volontés politiques au niveau de leur mise en œuvre, malgré un accueil favorable, conscients des questions spécifiques d’intégration d’un monde terrestres et maritime en Méditerranée : en effet la Méditerranée n’est pas uniquement une mer de rencontre de 3 continents mais aussi une vaste zone de transit du commerce mondial, qui tend trop souvent à considérer la question d’échanges maritimes et mondiaux comme spécifiques au sein d’une approche régionale.
Le moyen-orient et la méditerrannée
Une méthode pour prioriser les projets dans le processus de Paix au Moyen Orient.
Après la conférence de Paix de Madrid en octobre 91 et l’accord dit Oslo II entre le Président de l’Autorité Palestinienne et le Premier Ministre Israélien en 1995, il était convenu que des négociations sur le statut final des territoires occupés devraient s’achever en 1999.
Des discussions multilatérales ont alors été engagées pour traiter de problèmes d’intérêts communs «non politiques » (les questions de contrôle des frontières et du droit des Palestiniens restaient au niveau bilatéral entre Israël et l’Autorité Palestinienne), comme la coopération économique, l’eau et l’environnement, les réfugiés, le contrôle des armes, l’Union Européenne se voyant confier le Groupe de Travail Multilatéral pour le Développement Economique et Régional (GTMDER), groupe important au regard de la diversité des initiatives et le nombre de participants. Dans le cadre de ce groupe les parties régionales reçoivent alors une assistance technique des pays (appelé pour l’occasion « shepards» ou « bergers »), la France s’étant vue confier les transports. C’est donc dans ce cadre que le DEST de l’INRETS est intervenu, en liaison avec le CETE d’Aix bénéficiant de la mise à disposition d’un expert permanent dans la zone à Aman, devant rapporter l’avancement des travaux devant le Comité Sectoriel Infrastructure Transports au Moyen Orient (REDWG Working Group pour le Développement Economique Regional). Un montage complexe, dans un contexte sensible, qui contrastait avec en réalité des contacts très directs établis dans une relative indépendance avec les représentants des quatre pays parties prenantes dans ce processus de Paix. Mais malheureusement il s’avèrera en retour que les progrès réalisés au niveau du groupe sur des approches communes, ne pourront véritablement remonter en fin de processus à une sphère supérieure de relations diplomatiques, celle qui devait décider en définitive ce qui serait retenu lors de la 3ième Conférence Pan Européenne d’Helsinki. En effet, contrairement à ce qui était attendu, ce travail de fond important n’y a pas été mentionné, comme si encore une fois des progrès réalisés en transport sur des projets concrets, dans un contexte politique tendu, était estimé trop rapide au regard du processus diplomatique. Cette opportunité de fenêtre ouverte durant quelques années du processus de Paix n’a donc pas pu être saisie, et les traces vite oubliées.
Les défis de ce travail étaient pourtant nombreux avec pour commencer ceux de l’analyse de la situation de départ concernant l’état des infrastructures dans la zone, ainsi que leur exploitation et les conditions de passage aux frontières, la collecte de données socio-économiques et transport, les projets nationaux de transport existants : cela a été possible dans le cadre d’une coopération étroite avec les administrations, la présence d’un expert permanent sur place, parlant les langues, et la mise au point d’un SIG transport permettant d’intégrer toutes ces données, et les visualiser, avec la coopération du CETE d’Aix précurseur dans ce domaine (José Devers).
Les objectifs assignés étaient alors ceux d’une approche globale amis qui devait aussi se décliner en choix de projets à financer à court terme (Fast Track Projects)
- associant un contexte socio-économiques, à différents niveaux international et régional a des besoins de transport pour voyageurs et marchandises,
- développant une approche multimodale, y compris aérien et maritime, pour les transports, incluant des projets d’infrastructures ainsi que leur exploitation
- distinguant des horizons de court, moyen et long terme,
- établissant une procédure d’évaluation des projets devant permettre aux différents horizon la priorisation des projets.
L’accent a donc été mis sur la collecte et validation de données, l’identification des projets soumis par les pays (une soixantaine) et leur caractérisation, ainsi que sur la méthode.
Compte tenu de toutes ces contraintes il a été très vite compris que les questions d’accord sur les méthodes allaient être déterminantes, et ceci a été réaffirmé en janvier 1996 lorsqu’il a été demandé à l’INRETS de refaire un effort particulier d’approfondissement sur la méthode pour éviter une situation de blocage qui menaçait devant la difficulté de prioriser des Fast Track Projects.
Un concept de corridor prioritaire a alors été approfondi, appliqué à la zone, permettant de préciser les perspectives dans lesquels s’inscrivaient les « fast track projects », ainsi que le passage de projets de moyen terme à long terme.
Cette méthode est illustrée par la carte et le schéma suivant qui définit quatre corridors, au sein desquels les projets sont identifiés, corridors interconnectés en des points nodaux d’organisation et d’interface, et qui globalement reflètent un équilibre dans le positionnement des pays dans la zone et dans leurs relations extérieures avec :
- Un corridor de transit pour la zone passant par la Jordanie, rôle auquel ce pays était particulièrement sensible, comme il l’avait joué historiquement pour l’ensemble du Moyen Orient depuis le golfe d’Aquaba jusqu’en Syrie (qui ne faisait pas partie du processus) et au delà
- Un corridor côtier pour lequel l’Egypte était partie prenante, sachant que l’Egypte était très sensible au fait d’éviter que ne se crée un pont terrestre concurrent du canal de Suez
- Un corridor portuaire demandé par Israel, pénétrant de Haifa jusqu’en Jordanie, avec un point d’interface avec le territoire Palestinien.
- Et en effet un corridor qui semblait difficile d’éluder entre les grands points de concentration de population dans une hypothèse de Paix, entre Gaza, Jérusalem et Aman, corridor qui a fini par être accepté sachant que cela supposerait d’importantes mesures de sécurité dans un premier temps.
La proposition de méthode d’approche globale se structurait ainsi dans le temps et dans l’espace, suivant le schéma global ci-joint partant d’objectifs stratégiques, passant par le développement d’outils d’analyse, pour retomber sur des projets intégrés au sein de corridors. Cette méthode permettait alors une approche multicritère des projets inscrits dans ce contexte : les critères étaient ceux de « contribution à l’intégration régionale » ( intégration au regard des échanges, et du développement d’activités), « la maturité des projets » (dont financement), « la cohérence avec des schémas de transport existants et leur pertinence dans une approche multimodale », les questions « d’environnement et de sécurité », et enfin les aspects de « phasage » dans la programmation par rapport à d’autres projets ou le fonctionnement des corridors. En définitive, 5 grands critères et une trentaine de sous-critères, pour donc une soixantaine de projets évalués.
Ce schéma confirme l’intérêt d’une approche technique qui s’est très bien déroulée, dans le cadre de discussions « qui ont en général eu lieu dans un excellent climat de confiance et qui ont butés sur des questions conflictuelles au niveau politique ». Parmi celles-ci on imagine bien le problème du passage de la frontière voire d’une zone comme celle de Jérusalem, et « lorsque les règles de souveraineté et de fonctionnement des Territoires occupés ne sont pas définies et les découpages territoriaux arrêtées, il parait illusoire de chercher à programmer des infrastructures à caractère régional » (G. Chatelus). Sans doute, et avec un certain enthousiasme, le groupe REDWEG sur les transport était arrivé assez vite aux limites possibles d’un travail technique, du moins pour les zones les plus sensibles. M il reste quand même difficile de comprendre est pourquoi ce travail difficile, réalisé avec un certain succès à en croire les parties prenantes (et l’on aurait tort de faire croire qu’il s’agit de naïveté), dans le cadre d’un contrat avec la commission, avec l’encouragement d’une direction chargée en France de relations internationales (ayant accueilli une des dernières négociations entre représentants de Ministères des transport, avant la conférence d’Helsinki) soit passé presque totalement inaperçu.
Des travaux parallèles, sans suite, au sein du GTMO pour la Méditerranée occidentale.
Il a été vu que dès 1985, les Ministres de 3 pays d’Europe du Sud (Auroux, Barone, Signorile) se sont directement impliqués dans la création du CETMO pour favoriser le développement d’échanges sur les transports en Méditerranée occidentale, initiative bien suivie par le CEE-ONU, mais moins bien vue de Bruxelles. Ceci étant le CETMO, qui ne bénéficiait pas de moyens propres, si ce n’est un soutien logistique de la généralité de la Catalogne et d’un capital de relations et des données de transport collectées auprès des pays partenaires, restait assez dépendant d’opportunités de contrats d’études et de recherche, y compris de la part de la Commission. 10 ans plus tard en 1994 l’initiative a été relancée par la France suite à une rencontre à Marseille « Vers des systèmes de transport concertés et harmonisés en Méditerranée occidentale »et une autre opportunité s’est ouverte avec la création du GTMO, Groupe Transport Pour la Méditerranée Occidentale, réunissant les 3 pays d’Europe du Sud (le Portugal rejoignant en 1997) et ceux du Maghreb. Le groupe de travail transport dont le secrétariat était assuré par le CETMO développait 3 thématiques pour une approche globale, « observer, prévoir, planifier, évaluer », « faciliter les échanges et les transports », « concilier transports, Aménagement et environnement ». Le travail a alors été ponctué de rencontres entre ministres au plus haut niveau entre 1995 et 1997, à Paris, Rabat (avec la définition de 5 corridors prioritaires articulés sur les RTE et réseaux Trans-maghrébins) et enfin à Madrid en 1997. Cette dernière rencontre a permis le lancement d’une première étude régionale utilisant la méthodologie des corridors analogue à celle présentée précédemment pour identifier des priorités, sur la base d’analyse et de projections de trafics détaillées, ainsi que de la construction d’un SIG (MCRIT, Barcelone), l’étude INFRAMED (coordonnée par G. Chatelus INRETS-DEST).
Pour plus de détail il y a ls actes de séminaires qui se sont tenus entre experts transports de la Méditerranée (ss-dir. C. Reynaud, M. Poincelet), « les transports en Méditerranée perspectives » Hermès 1997, Actes du séminaire de Carry- le-Rouet, « Les corridors et les réseaux multimodaux en Méditerranée » INRETS 1998 (ainsi que l’article de synthèse de G. Chatelus, chercheur à l’INRETS : « Le Partenariat Euro-Méditerranéen dans les transports » dans Revue Transport N°388 Avril 1998). Deux autres fascicules de rencontres (collection INRETS), « Transports et Renaissance en Méditerranée » (Anfeh Liban 1999) et « Concurrence et complémentarité dans les transports en Méditerranée » (Marseille Oct 2000), montrent les efforts fait pour inclure le Liban (puis la Syrie, participants au projet Meda-Ten-T, voir plus loin), alors que parallèlement la démarche du processus de paix était abandonnée.
La méditerrannée
La recherche MEDA-TEN-T, une (dernière) tentative d’approche globale, associant l’ensemble des pays du pourtour Méditerranéen.
Meda-Ten-T est un projet de recherche du programme INCO-MED de la commission Européenne qui s’est déroulé de Mars 2003 à Mai 2005. Ce projet regroupait des représentants, essentiellement d’Instituts de Recherche des pays Méditerranéens, à l’exception des pays de l’ex-Yougoslavie qui relevaient d’un processus spécifique ainsi que de la Libye. L’objectif reste celui de l’intégration des réseaux de transport en Méditerranée, maritimes, terrestres et aériens dans le contexte politique de partenariat Euro-Méditerranéen. Mais il est aussi celui de créer un réseau durable de partenaires engagés dans ce partenariat, permettant ainsi de capitaliser tout un ensemble de résultats, de collecte de données, d’expériences de méthodes appliquées dans des travaux réalisés depuis plus de dix ans. Les méthodes de planification et d’élaboration des scénarios, d’évaluation, de sélections de projets sont appliquées sur tout un ensemble diversifié de corridors dits de « démonstration » à travers la Méditerranée. D’importants séminaires de rencontre se sont développés à travers la Méditerranée, à Athènes, Istanbul, Alexandrie, Rabat.
La plaquette ci-joint présente le projet qui est probablement une dernière tentative d’approche aussi globale, même si à sa fin en 2007, la commission cherchait à traduire cette démarche en Plan d’action pour un plan d’infrastructure Méditerranéen, intention difficile à traduire dans les faits, et que l’on peut encore difficilement imaginer, alors qu’un tel objectif n’est pas encore atteint pour les RTE.
Mais très vite à la fin du projet Meda-Ten-T sous couvert de la nécessite d’actions concrètes, la vision globale des transports et sa portée politique pour le développement, l’intégration, une vision d’avenir commune a été oubliée. La question de l’action concrètes était en fait un faux argument car les approches globales préconisées tant pour le processus de paix que dans les corridors de démonstration de Meda-TEN-T ont toujours débouché sur des applications concrètes d’évaluation de projets discutés dans les pays. Et lorsqu’il s’agissait de trouver une somme limitée de l’ordre de 10ML de dollars pour réhabiliter un pont « mythique » sur le Jourdain (pont Allenby ou King Hussein), cela s’avérait difficile, comme lorsqu’il était demandé des bus d’occasion pour tester la sécurisation d’un corridor reliant alors Gaza, Jérusalem et Aman. La question n’était donc pas celle de l’identification de projets mais plutôt celle de la responsabilité politique dans une approche globale. C’est ainsi que par la suite la vision globale de prospective, planification et programmation a été abandonnée. Et pour le transport lui-même les interventions spécifiques en matière maritimes (Autoroutes Maritimes), portuaires, logistiques, se sont retrouvées de fait, séparées, dans des plans d’action, et le plus souvent par zone (Est et Ouest) voire pays.
l’Union pour la Méditerranée, un rebondissement sur des actions ponctuelles, qui masquent mal une absence d’engagement politique.
À la suite de l’essoufflement progressif du processus de Barcelone liée en partie à un nouveau contexte de tension, et au fait que la Méditerranée apparait souvent plus comme une barrière que comme un creuset de coopération (et une absence de volonté politique, contrairement à ce qui a pu se passer dans les relations avec l’Europe centrale et de l’Est), une tentative de relance se fait en 2007/2008 avec l’union pour la Méditerranée.
Six thèmes sont retenus pour des ensembles de projets concrets, depuis les actions pour les entreprises, jusqu’à des actions sur le climat et l’énergie, avec un thème sur les transports et le développement urbain avec des ensembles de panier de projets régionaux, sous-régionaux, transnationaux. Les objectifs de politiques globaux d’une politique de voisinage ne sont pas formellement abandonnés mais ne transparaissent plus aussi clairement dans des interventions beaucoup plus dispersées.
D’ailleurs la nouvelle politique fait largement abstraction de tout ce qui a été fait auparavant, le transport se trouvant cantonné dans des approches plus techniques, avec des interventions plus directes de la BEI plus habituée à traiter l’évaluation de projets individualisés. Ceci ne signifie sans doute pas que des efforts d’harmonisation dans les approches ne sont pas tentées, comme a pu le faire la BEI en ciblant des actions sur des nœuds stratégiques d’organisation de transports que sont les plates-formes, suscitant la mise en place d’un réseau de plates-formes pour favoriser l’intermodalité et les interconnections au niveau régional. A noter que l’accent a aussi été mis sur des formations de transports. Des approches portuaires coordonnées sont aussi à mettre au crédit de cette politique pour favoriser le développement d’échanges maritimes, mais ces efforts ne doivent pas masquer que l’on reste quand même loin d’objectifs d’intégration territoriales, voire même de chaînes de transport le long de corridors dont il était question. Et le désengagement politique de la commission européenne prête à déléguer auprès du secrétariat de l’Union pour la Méditerranée l’organisation de rencontre Euro-Méditerranéennes en est bien l’illustration. L’objectif politique d’intégration par les transports ne mobilise plus ni à l’échelle Européenne, régionale ou sous-régionale. Et après avoir combattu longtemps des initiatives nationales de proximité Méditerranéenne, l’engagement politique Européen qui a souvent fait défaut à des moments critiques faiblit régulièrement, masquant difficilement un désintérêt croissant. Seules des actions ponctuelles bien inféodées par le biais d’agences ou de bureaux d’expertises demeurent, en espérant qu’elles ne finiront pas par masquer la montée de nouveaux dangers de voisinage. (Voir processus de Barcelone)
Une situation préoccupante d’un monde fracturé et d’une politique «désintégrée ».
Si une politique de voisinage des transports a bien contribué dans le passé à faciliter les échanges avec les pays voisins ainsi qu’à un élargissement de l’union Européenne en 2004, cela ne semble plus véritablement le cas actuellement. Cela ne veut pas dire que le transport international n’a pas continuer à se développer dans les années récente, mais que cette évolution s’est produit, largement, indépendamment d’une politique Européenne de transport délibérée pour faciliter les relations avec les pays voisins.
Pour un prolongement en direction des pays de l’Est, il faut pas oublier travail plus technique réalisé dans le cadre de la CE-ONU comme le projet de réseau TEM-TER qui continue à faciliter le développement d’une approche qui devient de plus en plus globale pour les transports, comme résulta de l’approfondissement de la démarche et contribue à améliorer les relations de voisinage. Mais il faut reconnaître que la situation de guerre en Ukraine change complètement les données et que le développement des relations Europe Asie à travers la Russie dont on vantait hier le dynamisme, est bien compromis.
Pour les relations entre pays de la Méditerranée il ne faut pas non plus oublier ce travail permanent de l’ONU-PNUD du Plan Bleu qui depuis longtemps travaille sur question du transport et de l’environnement (cf ; « Transport et Environnement : enjeux et prospective » Fascicule du Plan Bleu Juin 1996 Economica C. Reynaud).
Mais comment en est-on arrivé là en ce qui concerne la politique Européenne en ce qui concerne l’ouverture sur la Méditerranée ? alors que cela a été mentionné dans le traité de Rome, et que l’importance du transport a été réaffirmé dans le cadre du processus de Paix de Barcelone.
Plusieurs raisons peuvent certes invoquées pour justifier que les interventions se sont retrouvées fractionnées, à l’image de ce que devient l’image de la Méditerranée : sans en nier leur intérêt ponctuel, elles ne bénéficient plus d’un cadre pouvant en garantir leur cohérence et leur pérennité pour plus de cohésion en Méditerranée.
Parmi ces raisons il y a sans doute le fait que la politique de voisinage en direction de la Méditerranée a été délaissée au profit d’une ouverture à l’Est, qui rencontre ses limites avec l’extension de l’UE. Et pour les pays de la Méditerranée, il y a eu aussi une dynamique des forces « centrifuges » d’une mondialisation, qui en réimporte aujourd’hui ses conflits, dans une sorte de mouvement de balancier.
Il y a urgence à redéfinir de nouvelles politiques de voisinage, permettant au transport d’apporter sa contribution à des relations pacifiées. Mais reste à définir comment en prendre l’initiative sachant que cela ne doit pas être une chasse gardée de l’UE et doit accueillir aussi des initiatives d’autres organisations internationales, nationale de caractère plus technique et politiques dotés aussi de moyens qui ne peuvent être centralisés au niveau l’UE ou dans des agences d’exécutions affiliées. La mobilisation doit être plus générale et décentralisée, ce qui ne signifie certainement pas plus centralisée et déconcentrée, le contraire de l’efficacité dans ce domaine.