Penser et lire les transports

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L’Europe des transports

Lambert Schaus, Paris 3 mars 1967

Lambert Schaus, Paris 3 mars 1967

Du traité de Rome à la carence


L’origine

Il est toujours intéressant d’essayer de revenir sur les origines de la construction européenne, la naissance de l’idée, voire l’idéologie qui sous-tendait, pour parvenir  à ce que à  l’Union Européenne d’aujourd’hui, résultat d’une succession de traités qui en ont précisé le contenu. L’objectif n’est pas tant de refaire une histoire et de redécouvrir les pères fondateurs dont les mérites respectifs sont assez largement et unanimement reconnus au point de constituer une sorte d’histoire officielle de l’Europe. Il est plutôt aujourd’hui de rappeler la diversité des origines, des fondements, des ambitions, et ce faisant de mieux comprendre consistance de ce que l’on a appelé la supranationalité. Cette consistance a été fluctuante au gré des difficultés rencontrées et cette démarche de compréhension n’en est que plus nécessaire à un moment où l’on constate qu’une nouvelle étape doit être franchie, pour « plus » ou « moins » d’Europe, à un moment où surgissent de nouveaux défis, et notamment pour l’environnement et la sécurité.

Pour le transport elle est particulièrement pertinente, parce que très tôt ce secteur est apparu stratégique, dans les interventions de la CECA, première institution Européenne (1951), et a fait l’objet d’une disposition particulière dans le traité de Rome (Marché Commun 1965) sans que l’on sache quel contenu lui donner, puisqu’à l’arrêt de carence de la Cour de Justice Européenne (1985) sur un recours du Parlement Européen pour non-application de la disposition du traité de Rome. Aujourd’hui le transport se trouve au centre de défis pour l’Europe, non seulement pour renforcer les relations entre un nombre croissant des pays membres, mais aussi pour la défense de l’environnement, sachant que des mesures concernant la défense ont récemment été intégrés dans la révision de la planification des corridors prioritaires européens et des RTE.

L’objet de ce thème est donc de reprendre rapidement cette démarche européenne pour mieux s’en imprégner et de la suivre au travers l’évolution de textes relatifs au transport, d’en monter les difficultés rencontrées et les réponses incomplètes apportées, pour conclure que cette politique des transports avait été mal engagée et qu’elle devait faire l’objet d’une révision complète avec une redistribution des responsabilités entre l’Europe, les pays et les régions. 

L’enjeu est capital, car il s’agit, rien de moins, que de reconsidérer, au travers des transports, ce qu’est l’application d’un principe de subsidiarité, principe de base dans la démocratie Européenne (principe qui définit le domaine de compétence de l’UE, Maastricht 1993). Les précisions apportées sur ce point par le traité de Lisbonne sont largement insuffisantes, et sont passées presque inaperçues, pour redonner une nouvelle impulsion à l’Europe, comme cela a été dit pour la présidence Française.

Sans entrer dans des détails on peut dire que les mouvements en faveur de l’Europe, au sortir de la guerre, n’étaient pas uniquement le résultat d’un constat sur la nécessité de renforcer les liens avec l’Allemagne, en créant un marché commun des industries de bases que sont le Charbon et l’Acier, ni de renforcer une communauté de défense dans une Europe bénéficiant pour son redressement d’un réel effort de solidarité de la part des Américains, avec le Plan Marshall, quel qu’aient pu être les craintes, exprimées ou non, de guerre froide. Mais ce mouvement en faveur de l’Europe a aussi été le résultat moins connu d’un effort de réflexions et coopérations des forces vives de l’économie et en particulier de syndicats chrétiens, en France, Allemagne, Belgique, Italie et Pays-Bas. Le résultat a été la création d’une Haute Autorité de la CECA, jouissant d’une large autonomie, en tant qu’institution à vocation « supra-nationale ». Il s’agissait bien de débuter une expérience, dans un domaine stratégique, sur une période limitée, vers une « Fédération Européenne », avec sans doute beaucoup d’enthousiasme des acteurs, y compris des acteurs sociaux, la CECA ayant pris aussi beaucoup d’initiative dans ce domaine pour accompagner des actions d’industrialisation, modernisation et reconversion. La CECA devait aussi servir de modèle pour la future étape de construction de l’Europe, et bien que son expérience n’ait pas été dénuée de nombreuses difficultés, voire de crises, avec en arrière-plan toujours un conflit sur l’attitude face au Royaume Uni et la prédominance d’une approche plus libérale défendue au sein de l’institution notamment par les Pays-Bas, cette histoire de la CECA mériterait d’être approfondie afin d’éviter des tentations d’écrire une histoire « officielle » de l’Europe, derrière des Pères Fondateurs dont il n’est pas question de nier le rôle. Le transport n’est pas à l’abri de telles tentations qui ne facilite pas l’éclairage de décisions pour demain.

La deuxième étape a donc été celle du traité de Rome qui était celle de l’extension du champ d’institution Européenne avec un fonctionnement calqué sur celui de la CECA, mais avec un rôle plus contenu de l’exécutif. Le traité établissant la CEE (Communauté Economique Européenne) doit garantir la libre circulation des biens et des personnes, et la mobilité des facteurs de production au sein d’une union douanière avec 3 domaines d’intervention pour les institutions que sont la politique agricole commune, la politique des transports (articles 74 et 75) et la politique commerciale commune. C’est dire l’importance accordée au transport dans un contexte où les progrès en matière d’union politiques étaient devenus difficiles, mais aussi où, par contraste, l’union douanière a été réalisée plus vite que prévu. Cela allait forcément avoir des conséquences sur le transport, avec une pression forte de libéralisation des transports routiers, avec des politiques nationales hésitant et craignant de défaire trop rapidement un carcan règlementaire. La conséquence en a bien été le vote constatant la carence pour l’application du traité de Rome en 1985, sur lequel il faudra revenir.

La question est alors de savoir si lors de l’étape suivante, celle de l’acte unique et de l’approfondissement de l’Union Européenne, l’entrée « à reculons » du transport dans la politique Européenne, sous la pression des politiques et des acteurs de l’économie s’est poursuivie, ou bien si au contraire un nouveau départ à pu être donné avec la reconnaissance du rôle des RTE dans la construction d’un marché unique. 


La place des transports dans le traité de Rome

Au milieu des années 1960, comme on l’a expliqué, la place des transports dans le traité de Rome était mal définie, et débattue sur le plan, juridique. Et on ne savait pas trop quel était le contour du domaine des transports. Allait-on prendre en compte aussi l’aérien et le maritime ? Après l’inventaire de la situation dans les 6 pays fondateurs, et le passage obligé par un mémorandum et un exercice programmatique (mai 1962), on en était à négocier. Il semble qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui l’ensemble des disparités existantes, et le caractère à la fois protectionniste et contingentaire des réglementations contraignantes en vigueur dans les pays.

Il faut d’ailleurs se souvenir qu’il n’existait toujours pas en France au milieu des années 1980 de vision claire des règles sociales applicables au transport routier chez nos voisins les plus proches

Et chaque mode pouvait avoir des règles d’inspiration différente ! Pour faire simple, il fallait non seulement parler de fiscalité, de liberté de circulation, de liberté d’établissement, de conditions d’accès aux professions, de contingentement, de tarifs internationaux et nationaux, et, dans le domaine ferroviaire on vivait encore essentiellement avec des monopoles qu’on incitait à coopérer loyalement. Mais il fallait parler aussi de normes techniques, de poids à l’essieu, de formation, de largeur et longueur des véhicules, de tarification des infrastructures etc.. S’agissant des négociations sur le poids à l’essieu par exemple, les intérêts des Etats ne tenaient pas uniquement à leurs propres règles, mais au savoir faire de leurs constructeurs nationaux quand ils existaient. Renault et Fiat par exemple, dont la France et l’Italie défendaient le 13 tonnes à l’essieu moteur, quand Mercedes défendait le 10 tonnes. Les débats sur le futur chronotachygraphe tout électronique n’étaient pas plus simples.  La position dominante de Kienzle joua un rôle évident dans la négociation et sa longueur. Il faut bien comprendre en effet qu’un norme commune rebat sensiblement les potentialités industrielles, ou à tout le moins le laisse à penser.  Alors on avait beau jeu d’évoquer un modèle de marché concurrentiel (Lambert Schaus, 1967), tout le monde savait que la liste des problèmes à lever était très longue.. Et dans le même temps, chacun, dans son pays, réformait plus ou moins lentement son propre système réglementaire. Pour autant il y avait une double volonté « d’intégration communautaire des transports » et d’harmonisation. Reste à savoir quelle était l’énergie réelle mise en œuvre par les états pour atteindre ces objectifs, et surtout si l’avancée était synchronisée. Pour en avoir vécu différents épisodes, on peut penser que ces efforts étaient par trop modérés ou inégaux. Même dans les domaines évidents du transport routier et fluvial, on progressait lentement, les systèmes nationaux connaissaient de très lentes mutations, et jusqu’à l’arrêt prononçant la « carence » de la politique commune des transports, on ne voyait pas d’échéance claire. Les préalables étant très difficiles à lever. 

L’abandon du système contingentaire routier français par exemple n’était pas motivé par autre chose qu’une analyse de la réalité du marché français…et un choix politique fort. On peut avoir le sentiment, pour autant, que certains thèmes  comme la fiscalité des carburants, les durées de conduite dès 1969, la liberté d’établissement et les concessions données, via la CEMT (conférence Européenne des Ministres des Transports, organisation internationale créée en 1953 avec siège à Paris et relevant de l'OCDE. Lors de la session de Dublin en mai 2006, les ministres ont décidé de créer sur cette base le Forum international des transports (FIT)), à la « multilatéralisation » partielle des autorisations de transport international routier, étaient des petits pas « consentis » parfois à regret pour les administrations.  Nous pouvons témoigner de l’intense activité consacrée aux négociations annuelles des contingents bilatéraux de transport entre pays, membres ou non de la CEE. Celles-ci étaient rarement menées dans un esprit « européen ». Chacun essayant d’y gagner par rapport au partenaire.  Les mêmes problèmes existaient en matière de tarification ferroviaire pour les transports internationaux…

 

La carence 

 

C’est pourquoi la « carence » (arrêt du 22 mai 1985) a constitué un vrai big-bang, d’autant plus qu’il nécessitait une réaction commune des états dans un sens prédéterminé.  Il fallait donc construire de toutes pièces une règle véritablement commune. D’où ce qu’on appelé des « paquets », correspondants, pour chaque mode, à une marche vers le marché unique.  Et, bien que le domaine routier paraisse au cœur des récriminations à l’origine du recours provoqué par le Parlement Européen et la Commission, celles-ci concernent tout autant la batellerie que le chemin de fer. Le jugement, ceci dit, ne concerne que la libre prestation de services de transport, qu’il convient donc alors d’organiser, en tenant compte de la complexité du système et des problématiques spécifiques aux différents sous-secteurs nationaux. Cet objectif central a pu être formalisé dans des documents (Livres Blancs ou verts) de la Commission. Cependant, celle-ci et le Conseil souhaitait s’inscrire aussi dans le cadre d’une stratégie qui consistait d’abord à rééquilibrer les parts modales et plus tard à faire baisser les émissions de CO2.  Et on boucla la boucle en expliquant un peu vite que l’un (le marché libre) allait servir l’autre (la politique des transports), ce qui pouvait faire en apparence l’économie d’une politique commune.  Reste que la compréhension des implications de l’arrêt de carence pouvait conduire à des thèses fort divergentes. D’un côté certains freinaient l’évolution annoncée -on parlait dans notre milieu de stratégie de l’édredon -, d’autres mettaient  l’harmonisation sociale en préalable – comme le faisait la France dès les années 1960 -, les derniers, enfin, prônaient une approche pragmatique, constatant qu’il serait impossible de s’opposer au mouvement engagé. Le Conseil National des Transports fût le théâtre de débats autour de ces questions, avant 1993.

 

Quel contenu ? 

Dans ce contexte ouvrant un chemin dont on ne connaissait pas réellement l’aboutissement, il faut reconnaitre que si la définition d’un marché ouvert et unique ne posait pas de problème d’apparence insoluble pour la route et la batellerie,  l’aérien ou le maritime,  il en n’était pas de même pour le chemin de fer. 

Pour les travailleurs mobiles (routiers, fluviaux..), puisque l’harmonisation sociale globale était techniquement et juridiquement impossible (ces questions ne relevant pas de politiques communes), les directives ne pouvaient qu’être évasives, et leur application pratique largement incontrôlable. Et encore doit-on souligner que ce qui était possible ou aménageable à 6, 9 ou 12, allait être techniquement insoluble avec les disparités sociales dues à l’élargissement.  En revanche on pouvait améliorer les règlements dits de sécurité, qui plus est applicables aux travailleurs indépendants. Il n’est pas certain que la stratégie d’amélioration fût la bonne, abandonnant l’idée de se concentrer sur l’amplitude de l’activité. En revanche le « marché unique des transports », ne pouvant s’appuyer sur une harmonisation des coûts de conduite (taux de salaires, charges sociales), et a fortiori pas des tarifs pratiqués, a favorisé le développement du pavillon des nouveaux entrants sur l’international, et corrélativement sur le marché intérieur via la cabotage. Ce phénomène a produit même une divergence forte au sein du Conseil des ministres entre l’Ouest et les PECO, faisant renaître des raisonnements protectionnistes par ceux-là  mêmes (baptisés « l’alliance »)qui prônaient jadis la « convergence » des économies via la construction européenne.

La question des chemins de fer est singulièrement différente, puisqu’elle pose le problème de l’ouverture de marchés via des infrastructures détenues par des monopoles nationaux, le plus souvent au sein d’entreprises des compagnies historiques de transport ferroviaires « intégrées ». 

C’est d’ailleurs ces réseaux en situation de monopole qui ont suscité le plus de contributions théoriques – largement monolithiques - autour de leur ouverture (énergie, télécommunication, postes, chemin de fer..) et l’adoption de solutions (séparation des comptes, autonomie de décision, etc..) visant à créer un accès non discriminatoire au marché… Ces thèses ont ouvert un chapitre complexe pour le chemin de fer, les différents états optant pour des formules qu’ils durent modifier parfois à plusieurs reprises, comme en France, en partie en raison de l’explosion des coûts de transaction découlant de la séparation des activités des compagnies historiques.


 


L’arrêt de carence du 22 mai 1985

L’arrêt de carence du 22 mai 1985

Théoriser le transport ?

Le Transport « théorisé », transport « instrumentalisé »

Après la reconnaissance du transport dans les traités avec concomitamment la libéralisation de l’activité, puis le développement des réseaux, la mise en œuvre d’une politique Européenne s’est donc avérée particulièrement laborieuse, marquées par une succession d’échecs et de réussites.

Que les transports requièrent un travail de réflexion plus théoriques sur certains concepts du fait de le la coexistence d’infrastructures publiques et d’exploitations privées, avec des activités relevant de services privés et de services publics, cela est peu étonnant. 

D’où les concepts de séparation de la gestion des infrastructures et de leur exploitation, de partenariat public privé, d’interopérabilité, d’adaptation de la notion de service public en transport, qui ont eu des fortunes diverses dans leur application. La recherche d’exemples, sous le qualificatif de « best practice », pour les illustrer, n’a pas toujours suffi pour convaincre. On peut citer à ce titre l’échec du projet de la ligne nouvelle Perpignan Figueras, qui s’est traduit par la faillite du promoteur, la ligne nouvelle demeurant sous-utilisée avec des  niveaux de trafic qui n’ont rien à voir avec les projections faites initialement De même que on peut déplorer en matière d’interopérabilité la lenteur de la mise en place du système ERTMS, le long de corridors ferroviaires dont on attendait une performance accrue du fer, voire une augmentation des capacités offertes (Rail Freight Corridors -RFC-sauf sans doute dans le cas du corridor Rotterdam-Gênes à travers la Suisse). 

De même la question de la séparation entre gestion de l’infrastructure et l’exploitation est apparu comme une solution pour l’ouverture des réseaux à la concurrence, mais la pratique pour le ferroviaire a été tout autre, et un pays comme l’Allemagne qui ne l’a pas véritablement appliqué pour la DB, est souvent présenté comme un exemple où la cohérence entre gestion de l’infrastructure et son utilisation est considéré comme positif pour le fer.

Enfin on peut aussi souligner que le mot « Planifier », est réapparu en 2013 dans la directive pour les RTE, alors qu’il était soigneusement exclu de tous les textes officiels depuis la chute du mur de Berlin. Ce terme permet aujourd’hui de réaffirmer une vision globale du transport. Mais on peut se demander dans quelle mesure ce mot ne masque pas une multiplicité d’objectifs depuis la réhabilitation du ferroviaire et de la voie navigable, jusqu’à la mise en place de nouvelles technologies d’exploitation, d’information, et d’utilisation de véhicules propres routiers, entre lesquels des choix ne sont pas réalisés. Il restera toujours difficile de parler de planification sans s’assurer de la disposition des outils d’observation, d’analyse, de suivi, voire d’acceptation sociale nécessaires pour la conduire. 


Théoriser le transport est loin de suffire pour la mise en œuvre d’une politique des transports

Que le transport ait alors été « instrumentalisé » pour d’autres objectifs n’est pas en soi critiquable, si l’on considère qu’il s’agit d’une activité « dérivée », par essence, au service d’autres secteurs de l’économie ou de la vie sociale.

Mais là encore les résultats pour le secteur des transport ou la collectivité n’est pas forcément démontré comme le montrent les deux exemples suivants. 

Le premier est celui qui a conduit sélectionner des grands projets d’infrastructures pour justifier une politique de relance par les investissements. Cela a été le cas avec le plan de relance de Delors et le choix d’une dizaine de grands projets dont deux ont dû être aujourd’hui réalisés 25 ans plus tard. Et c’est encore le cas avec l’application de la directive de 2013 pour la planification des corridors prioritaires avec un effet multiplicateur attendu de 3.3 sur la croissance à l’horizon 2030, ainsi qu’une croissance des emplois et une réduction de CO2 (Cf thème sur l’application du modèle ASTRA). Ainsi l’impact de la politique de transport se justifierait par des effets globaux, économiques et environnementaux, déclinés par régions irriguées par un réseau noyau Européen (constitué essentiellement par 9 corridors prioritaires), sans que l’on sache véritablement quelle serait la conséquence sur l’équilibre entre les modes et le fonctionnement du système de transport. Ceci étant l’exercice a au moins le mérite de distinguer l’impact des types d’investissement en transport, et ne se limiter aux investissements en infrastructures, montrant au passage que des investissements pour des véhicules propres ont des effets multiplicateurs plus forts. (Cf. simulations de 2021 sur les mesures liées aux propositions de révision de la directive).

Un deuxième exemple important est celui de l’ouverture, puis de l’extension des RTE aux nouveaux pays membres d’Europe centrale lors de l’élargissement de l’UE. Dès le début des années 90 après la chute du mur de Berlin la question de l’ouverture des RTE s’est posée et est devenue un cadre privilégié de l’aide aux pays d’Europe centrale, donnant une vision plus concrète de ce que pouvait être une Europe élargie, à un moment où les seules recommandations de privatisation pour dynamiser un système industriel obsolète, n’offraient pas de véritable prospective. Dans cet exemple le succès de la politique engagée, et la rapidité de la mise en œuvre résulte avant tout d’une approche pragmatique engagée au sein de la CEMT (Conférence Européenne des Ministres du Transport) au sein du groupe « Tendances du transport International et besoins en infrastructures », auxquels participaient des représentants des pays de l’UE ainsi que des représentants des pays d’Europe centrale qui faisait partie de la CEMT, mais pas encore de l’UE. De ce travail est sorti le concept de corridors prioritaires (9 corridors et un dixième dont le développement a été gelé du fait de la guerre en ex-Yougoslavie), concept validé par la CEE-ONU (Commission de l’ONU pour l’Europe localisée à Genève), puis par la Commission Européenne lors de la deuxième conférence Pan-Européenne de Crète, qui en a pris en charge l’application. Par la suite ce concept a été repris pour la planification des RTE en 2013, avec une première phase de planification de 9 corridors prioritaires au sein de l’UE depuis élargie à 27 pays membres.

Mais ce qu’il faut surtout retenir de cette démarche, est son caractère pragmatique destiné à la coopération et la coordination entre acteurs du transport le long d’un corridor, sans que pour autant négliger la vision de fonctionnement d’un réseau et la nécessité d’harmoniser les méthodes d’évaluation au sein de ces réseaux : c’est le travail assigné au groupe TINA (Transport Infrastructure Network Assessment) qui a fonctionné à Vienne avec la participation de représentants de pays membres les plus impliqués comme l’Allemagne, l’Autriche et la France.

De cette expérience de l’application de la politique Européenne on peut alors tirer trois conclusions importantes.

   -que la théorisation de la mise en œuvre de cette politique, peut certes s’avérer intéressante pour mieux exprimer les défis à relever, mais que très vite cette théorisation se heurte à l’absence d’outils adaptés pour sa mise en œuvre, outils d’observation, d’analyse, de simulation. Ainsi une planification par corridor ne peut se faire sans des outils d’évaluation des mesures qui s’appliquent au fonctionnement de réseaux de transports précisant les choix à faire entre des solutions de transport modales et intermodales.

    -que l’instrumentalisation du transport a souvent conduit à négliger les véritables objectifs du transport.

  - mais que dans un cas comme dans l’autre les actions qui ont été les plus satisfaisantes sont bien celle qui se sont accompagnées d’une démarche d’application pragmatique comme dans le cas de l’ouverture à l’Est, voire même au sein de corridors ferroviaires comme l’offre de sillons pour le fret à travers les pays traversé, loin de l’ambition initiale de développement de l’ERTMS qui reste une ambition régulièrement retardée.

 

 

 

 

 

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